Lors de la Journée PE organisée par la CRCC de Versailles le lundi 12 mars 2018, le Président de la CNCC Jean Bouquot est revenu sur le dossier brûlant des seuils d’audit légal : sa rencontre la semaine précédente avec les ministres Nicole Belloubet et Bruno Le Maire, les solutions qu’il propose dans ce débat et plus généralement, son point de vue sur l’avenir des commissaires aux comptes dans les petites entreprises.
Depuis la déclaration du ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire de vouloir supprimer les commissaires aux comptes dans les petites entreprises, la tension est palpable dans le monde de l’audit légal. Le Président de la CNCC Jean Bouquot a rencontré la semaine dernière la garde des Sceaux Nicole Belloubet et Bruno Le Maire lui-même afin d’échanger sur ce sujet. La discussion reste ouverte mais la ligne suivante semble ressortir pour l’avenir des auditeurs légaux dans les petites structures : une harmonisation des seuils d’audit – sans aller jusqu’à un rehaussement au niveau proposé par le droit européen – accompagnée en contrepartie d’un élargissement des missions des commissaires aux comptes dans des domaines divers, comme par exemple le secteur associatif.
Rencontre entre Jean Bouquot et les ministres Nicole Belloubet et Bruno Le Maire : quel bilan ?
« La situation est extrêmement grave, la profession est angoissée » a déploré le Président Bouquot dans son intervention lors de la Journée PE de la CRCC de Versailles. Puis de compléter aussitôt sur un ton plus rassurant et optimiste : « Alors, peut-on encore sauver nos mandats PE ? Ma conviction est simple : évidemment oui. »
Pour défendre l’audit PE auprès des ministres, le Président Bouquot a mis en avant quatre arguments :
• Les commissaires aux comptes ne sont ni poujadistes, ni corporatistes, ni rentiers. Que l’audit légal soit une profession réglementée ne doit pas alimenter de telles croyances.
• Le rapport délivré par l’IGF n’est pas juste dans son analyse, ni dans certains chiffres qu’il contient (avec plusieurs erreurs factuelles selon Jean Bouquot), ni dans ses conclusions. Il est par ailleurs empreint d’un ton qui jette le discrédit sur la profession.
• Les auditeurs légaux sont au service de l’intérêt général – ce qui n’est pas neutre – ils luttent contre la fraude et la corruption ; ils agissent pour l’assiette fiscale, le respect des règles, les délais de paiement et au final, la croissance économique.
• Enfin, le relèvement des seuils au niveau européen serait une « guillotine », une véritable catastrophe au plan humain.
Interrogé sur les réactions de Nicole Belloubet et Bruno Le Maire lors des entrevues de la semaine passée, le Président Bouquot a déclaré : « Les deux ministres sont très convaincus à la fois de l’importance du métier de commissaire aux comptes et de la gravité que représenterait pour la profession un rehaussement très significatif des seuils.
Ils en ont perçu les enjeux humains et ils ont compris qu’il fallait peser ce qu’il était raisonnable de faire. Il leur appartiendra au vu des arguments que j’ai apportés dans le débat de prendre eux-mêmes les options qu’ils estiment bonnes pour la France en fonction du programme économique du gouvernement.
Ils ont également souhaité que, en parallèle de cette réflexion sur les seuils, il y ait des discussions et des échanges aboutissant à des propositions sur notre environnement d’exercice, notamment sur notre rôle dans les groupes de petite taille, qui ne franchissent pas les seuils de consolidation.
Les ministres souhaitent aussi dialoguer sur d’autres modes de travail que nous pourrions avoir dans différents registres et qui élargiraient le rôle des commissaires aux comptes si par ailleurs, le nombre des mandats dans les petites et moyennes entreprises trouvait à se réduire, ceci afin que la profession puisse continuer à avoir ce rôle territorial et de proximité auquel ils sont extrêmement sensibles. »
Quelle défense et quel avenir pour les commissaires aux comptes dans les petites entreprises ?
Selon Jean Bouquot, les solutions dans le débat de l’audit PE sont de quatre ordres :
• Ne pas accepter tout d’abord, un relèvement des seuils à un niveau « insupportable », c’est-à-dire celui envisagé par Bruxelles ;
• Etre prêt en revanche à travailler sur l’idée de seuils harmonisés (notamment pour simplifier les règles à l’attention des chefs d’entreprise) ;
• Défendre la présence des commissaires aux comptes dans les groupes de petite taille ;
• Enfin, élargir les missions des auditeurs légaux autant que faire se peut, notamment dans le domaine associatif.
Nous avons demandé au Président Bouquot s’il portait un regard optimiste sur l’avenir des commissaires aux comptes dans les petites entreprises. Celui-ci a répondu : « A ce jour, je sais que nous avons un enjeu important, que le travail de conviction n’est pas terminé et qu’il y a une volonté politique d’harmonisation des règles. En effet, nous avons actuellement un paysage de nomination obligatoire des commissaires aux comptes en fonction de la taille de l’entreprise, de sa nature juridique, qui est assez morcelé et qui n’est pas très lisible pour les chefs d’entreprise.
Il y aura donc une homogénéisation et les seuils seront retravaillés. Ce que je souhaite, c’est que le relèvement ne soit pas trop important pour ne pas remettre en cause la présence des commissaires aux comptes dans un trop grand nombre d’entités.
C’est le travail des trois prochaines semaines que d’aboutir à un schéma permettant de considérer que nous avons toujours une fonction reconnue dans les petites entreprises, avec des mesures telles que la profession puisse continuer à jouer pleinement son rôle. »
Le projet PACTE – qui encadre la question des seuils d’audit légal – sera présenté en Conseil des ministres le 18 avril prochain. D’ici là, d’autres rendez-vous sont prévus avec le gouvernement. Selon Jean Bouquot, la profession doit désormais parler « d’une voix homogène, la plus unie possible (…) car il ne s’agit pas uniquement de sauver nos mandats, il s’agit plus fondamentalement de contribuer à consolider et sauvegarder l’économie. »
Hugues Robert