La reprise d’entreprise est aussi une affaire de femmes. Lors d’une récente conférence organisée par la DFCG, Pascal Ferron, vice-président de Walter France, a montré que les femmes pouvaient se lancer dans cette aventure passionnante et réussir, à l’encontre des dogmes habituels, avec à l’appui le témoignage d’une directrice administrative et financière qui a repris une imprimerie numérique.
La proportion de femmes repreneuses d’entreprise est à l’image de celle des dirigeantes d'entreprise : très minoritaire, moins de 5 % selon l’observatoire du CRA. Et c’est dommage, car les qualités nécessaires pour réussir dans ce domaine n’ont pas de genre : définir son projet avec précision, savoir analyser les risques, convaincre, casser les dogmes.
L’envie de relever un challenge et d’élargir ses responsabilités
Pascale Tessier Morin était directrice administrative et financière. Ce qui l’a poussée à se lancer dans la reprise d’entreprise ? L’envie de se remettre en cause, de faire des choses différentes, de relever un challenge, de se lancer dans une aventure. Et aussi de maîtriser son temps, de pouvoir se faire plaisir, d’avoir une palette de responsabilités plus large.
Pour Pascal Ferron, en reprise d’entreprise, il est essentiel de définir son projet avec la plus grande lucidité. La soi-disant nécessité de reprendre dans un secteur d’activité que l’on maîtrise est l’un des dogmes qu’il faut casser, tout comme celui des soi-disant « métiers d’hommes versus métiers de femmes ». Il est beaucoup plus essentiel d’identifier ses compétences, ses capacités et le type de métier qui nous attire. Pascale Tessier Morin voulait travailler une matière noble, le papier, et dans la communication visuelle. Elle a su faire la synthèse de ses plaisirs et de ses envies pour rechercher une société dans ce domaine.
Attention à prendre le temps de se former à la reprise d’entreprise car même si on est très compétent dans son domaine, lorsqu'on reprend, il faut savoir tout faire ou presque et connaître les acteurs.
Du temps et de l’énergie pour trouver une entreprise
Pascale Tessier Morin ne cherchait pas une entreprise à 5 millions d’euros qui aurait requis un accompagnement par des financiers, mais plutôt autour d’un million d’euros de chiffre d’affaires. Elle a travaillé quotidiennement sur le réseautage pour se faire connaître de l’écosystème, sur les sociétés pratiquant les fusions-acquisitions en hyper small cap et sur l’étude approfondie de chaque dossier qui se présentait.
Elle a également fait le choix de s’entourer de conseils, expert-comptable et avocat, car même en étant directrice administrative et financière, cela professionnalise la démarche et permet aussi de remonter le moral dans les moments de solitude.
Ses efforts ont été récompensés au bout de dix-huit mois avec le rachat d’une entreprise correspondant parfaitement à ses critères, une imprimerie numérique spécialisée dans l’impression des grands formats et dans le mobilier modulable.
Etre convaincue et savoir convaincre
Certains oiseaux de mauvais augure la mettaient en garde : « L’imprimerie, c’est difficile. C’est un milieu masculin, semi-industriel. » Avec certains cédants, Pascale Tessier Morin sentait bien la remarque non formulée : « C’est une femme, que fait-elle ici ? » Mais avec le cédant de l’entreprise de ses rêves, elle a su être convaincante. Un autre repreneur était sur l’affaire, mais après avoir identifié que celui-ci prenait son temps, elle a assuré à « son » cédant qu'« avec elle, c’est fiable et ça ira vite ». Mais attention, même quand on a trouvé sa cible, il faut rester très vigilant, savoir argumenter, par exemple face au fils du cédant qui tout d’un coup, manifesterait un grand intérêt pour l’entreprise de son père...
Mettre les banques en concurrence et ne pas lâcher
Face aux banques, évidemment, être DAF, cela aide… Pascale Tessier Morin a consulté les banquiers très tôt en mettant dix établissements en concurrence. Elle a construit son dossier en répondant par avance à toutes les questions qui allaient lui être posées, ce qui est très confortable pour un banquier.
Toutefois, selon Pascal Ferron, « si le montant des capitaux propres ou le tableau de trésorerie sont certes importants, une grande partie de la négociation se joue dans la capacité de conviction et la volonté d’aller de l’avant dans son business plan ». Dans l’exemple de Pascale Tessier Morin, en apportant de nombreux éléments sur le métier, sur la manière dont elle allait développer l’entreprise, la question existentielle d’être une femme ne s’est pas vraiment posée.
Ce qu’il faut savoir : la BPI, pour apporter sa garantie à hauteur de 50 % du prêt bancaire, va étudier le dossier, prendre des références auprès des précédents employeurs, afin d’analyser en profondeur la personnalité du repreneur ou de la repreneuse. En effet, dans une TPE, le dirigeant doit savoir tout faire et notamment avoir une capacité commerciale.
A force de négociation et de capacité de conviction, Pascale Tessier Morin est parvenue à obtenir un excellent taux et à ne pas donner sa caution personnelle.
Au final, de grandes satisfactions
Désormais dirigeante de son entreprise, Pascale Tessier Morin travaille beaucoup mais avec un grand bonheur. Elle s’organise : la première année, connaître ses clients et développer son chiffre d’affaires, ensuite, améliorer son système d’information et élaborer une nouvelle identité visuelle… tout en embauchant un commercial pour développer le business. Pascale Tessier Morin a été lauréate du Réseau Entreprendre.
Pour Pascal Ferron : « La reprise d’entreprise est avant tout une aventure humaine, au cours de laquelle il faut savoir s’entourer pour garder le moral en toutes circonstances, être convaincu soi-même et savoir convaincre : sa famille, son réseau, les banquiers, le cédant. J’ai eu beaucoup de plaisir à accompagner Pascale Tessier-Morin. Il est dommage que les femmes ne soient pas plus nombreuses à se lancer dans cette aventure, elles ont de nombreux atouts pour réussir. »