René Kéravel, Président de la commission déontologie & Études techniques et Sandra Pereira, Responsable du Pôle misssions au sein de l'Ordre des Experts-Comptables Paris-Ile-de-France reviennent sur l'application et les modalités de contrôle dans les cabinets de la norme anti-blanchiment.
Les professionnels de l’expertise-comptable ainsi que 42 autres professionnels visés par le code monétaire et financier (article L .561-2), ont l’obligation de mettre en oeuvre un dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Ce dispositif a fait l’objet d’une norme adoptée par le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables le 31 mars 2010 et publiée par l’arrêté ministériel du 7 septembre 2010. Ces règles sont applicables depuis le 12 septembre 2010 à toutes les missions réalisées par les professionnels de
l’expertise-comptable.
Le non-respect du formalisme prévu par les textes est susceptible d’engager la responsabilité du professionnel.
Le contrôle de l’application de ces règles est effectué dans le cadre d’un contrôle de qualité de la profession qui comporte selon l’article 171 du décret du 30 mars 2012 :
- un contrôle général de l’activité du professionnel ;
- un contrôle dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ;
- un contrôle spécifique pour les personnes qui ont signé la convention prévue à l’article 1649 quater L du CGI (visa fiscal).
Les questionnaires préparatoires et structurels utilisés par les contrôleurs qualité, intègrent des points de contrôle relatifs au respect des obligations des professionnels de l’expertise-comptable en matière de lutte contre le blanchiment.
OBLIGATIONS ÉDICTÉES PAR LA NORME
Il s’agit de s’assurer que les cinq obligations édictées par la norme sont connues et mises en oeuvre, à savoir :
- obligation de vigilance,
- documentation,
- obligation de déclaration Tracfin,
- mise en place de procédures et de mesures de contrôle interne,
- formation.
S’agissant de l’obligation de vigilance, le paragraphe 24 de la norme prévoit que chaque structure d’exercice professionnel élabore une classification des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme en fonction des caractéristiques des clients ou adhérents, des activités exercées, de la localisation de ces activités, de leur forme juridique et de leur taille.
Il s’agit, pour les contrôleurs qualité, de s’assurer que cette appréciation des risques a été effectuée et qu’elle a été matérialisée dans le dossier.
Le niveau de risque (faible, moyen ou élevé) doit permettre de mettre en oeuvre des diligences adaptées.
Le contrôleur qualité s’attachera à vérifier le respect des obligations en matière d’identification du client et du bénéficiaire effectif qui devra notamment être justifié par la présence dans le dossier des copies des pièces d’identité, extrait Kbis, etc.
Il convient de rappeler que les professionnels de l’expertisecomptable n’ont pas à réaliser dans le cadre des prestations qu’ils effectuent auprès de leurs clients ou adhérents, des investigations spécifiques ayant pour objectif de rechercher des opérations susceptibles de comporter un risque de blanchiment ou de financement du terrorisme (§11 de la norme).
Toutefois, lorsque dans le cadre de leurs missions, ils ont connaissance d’opérations particulièrement complexes ou d’un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d’objet licite, ils procèdent à un examen renforcé et collectent des informations auprès du client ou adhérent, sur l’origine des fonds, ou la destination des sommes, ainsi que sur
l’objet de l’opération et l’identité de la personne qui en bénéficie (§12 de la norme).
Concernant la documentation, cette obligation permet au professionnel de justifier les diligences mises en oeuvre dans le cadre du dispositif de lutte contre le blanchiment.
Ainsi, il doit conserver les documents relatifs à l’identité du client et, le cas échéant, du bénéficiaire effectif pendant les cinq années qui suivent la fin de la mission.
Le professionnel conserve également les documents relatifs aux opérations pendant cinq ans, à compter de leur exécution.
S’agissant de l’obligation de déclaration, en cas de doute non levé sur le caractère licite des sommes en cause, une déclaration à Tracfin doit être effectuée, déclaration confidentielle dont l’existence et le contenu n’ont pas à être communiqués au contrôleur qualité.
Quant à la mise en place de procédures et de mesures de contrôle interne des obligations ont été prévues aux paragraphes 21 à 26 de la norme anti-blanchiment.
Les contrôleurs doivent s’assurer que les structures d’exercice professionnel disposent d’un manuel de procédures (rédigez votre manuel en vous rendant sur le site Cap performance) intégrant :
- la désignation d’un responsable du contrôle interne ;
- la désignation d’un correspondant Tracfin ;
- l’évaluation des risques de blanchiment et de financement du terrorisme au sein de l’entité cliente pour laquelle un professionnel de l’expertise-comptable intervient ou est sollicité, au regard de la classification élaborée ;
- la mise en oeuvre des mesures de vigilance lors de l’acceptation et au cours de la mission ;
- la conservation, pendant la durée légale, des pièces relatives à l’identification du client et du bénéficiaire effectif ;
- le respect de l’obligation de déclaration individuelle à Tracfin ;
- les modalités d’échanges d’informations au sein des structures d’exercice professionnel et des réseaux, dans les conditions définies à l’article L. 561-20 du code monétaire et financier ;
- la mise en oeuvre de procédures de contrôle périodique et permanent des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ;
- l’organisation de la conservation et de la confidentialité des déclarations de soupçons déposées.
Enfin, concernant la formation, lors du contrôle qualité, les structures d’exercice professionnel justifient de l’information et de la formation des professionnels et de leurs collaborateurs sur les obligations liées à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et sur les procédures mises en place au sein de la structure.
CONSÉQUENCES DE LA NON-APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION
Le non-respect de tout ou partie de cette norme fait l’objet d’observations et de conseils repris dans la lettre conclusive du contrôle qualité signée par le président du CRO qui décidera de la suite à donner au contrôle de qualité (article 430 de l’arrêté du 3 mai 2012 portant agrément du règlement intérieur de l’Ordre).
Tout professionnel de l’expertisecomptable peut être confronté à des flux financiers visés par l’obligation de déclaration de soupçons.
Le rapport Tracfin 2012 précise que les montants moyens par déclaration sont à 90 % inférieurs à 500 000 € avec un montant médian à 50 000 €.
Il convient d’être prudent car si le défaut de déclaration de soupçons n’est pas sanctionné pénalement, le véritable risque pour le professionnel de l’expertise- comptable est d’être poursuivi pour blanchiment aggravé, délit visé à l’article 324-2 du code pénal, qui dispose que le blanchiment est puni de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 € d’amende :
- lorsqu’il est commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle ;
- lorsqu’il est commis en bande organisée.
En conclusion, les professionnels confrontés à des difficultés face à une situation qui pourrait être une opération de blanchiment ou lors de l’établissement d’une déclaration de soupçons peuvent se rapprocher du CSO qui, en sa qualité d’autorité de contrôle, joue également un rôle d’assistance et de conseil.
Ainsi, un numéro vert est mis à votre disposition : 0800 00 86 16 pour répondre à toutes vos questions.
Par ailleurs, votre conseil régional, met à votre disposition des outils pour vous aider à la mise en application de la norme anti-blanchiment.
N’hésitez pas à vous rendre sur le site du conseil régional (www.oec-paris.fr – abécédaire – blanchiment) ou sur le site Cap performance (www.capsurlaperformance. fr).
René Kéravel, Président de la commission déontologie & Études techniques,Ordre des Experts-Comptables Paris-Ile-de-France et Sandra Pereira, Responsable du Pôle misssions, Ordre des Experts-Comptables Paris-Ile-de-France
A propos
Cet article provient du numéro 84 du Francilien, la revue des experts-comptables région Paris Ile-de-France qui comprend notamment un dossier sur l'hôtellerie et un dossier sur le financement ainsi qu'un entretien avec Luc Ferry.
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