Désormais, les lois de finances sont votées dans un environnement économique, qui contraint le législateur à la recherche d’un subtil équilibre entre réduction des dépenses publiques, augmentation des recettes et relance de la compétitivité des entreprises. Explications de Vital Saint-Marc, Président du club fiscal du conseil régional de l’ordre des experts-comptables Paris Ile-de-France.
Les lois de finances sont dorénavant votées dans un environnement économique, qui contraint le législateur à la recherche d’un subtil équilibre entre réduction des dépenses publiques, augmentation des recettes et relance de la compétitivité des entreprises. La loi nouvelle s’inscrit de surcroît dans un contexte inédit de perte du consentement à l’impôt (manifestation des "pigeons" l’an dernier, refus de la contribution sur l’excédent brut d’exploitation cette année), d’exigence de plus de sécurité fiscale et de rejet des mesures rétroactives. Par ailleurs, et comme l’an dernier, le Conseil constitutionnel a censuré de nombreuses dispositions, comme celles portant sur la réforme de la notion d’abus de droit et sur l’obligation de déclaration préalable des schémas d’optimisation fiscale. Un ensemble de considérations qui rend délicat la lisibilité de l’ensemble des dispositions.
Les mesures touchant le revenu global
Gelées depuis l’imposition des revenus de 2010, les tranches du barème d’impôt sur le revenu sont revalorisées de 0,8 % pour 2013, alors que l’avantage en impôt procuré par chaque demi-part de quotient familial est ramené de 2 000 € à 1 500 €, après une réduction de 336 € pour 2012.
Plus-values des particuliers
L’évolution des différents régimes de plus-values des particuliers, au cours des huit dernières années, caractérise parfaitement la difficulté du législateur français à structurer une fiscalité du patrimoine claire, sûre et juste. Celle-ci hésite entre exonération et taxation excessive, imposition au barème et au taux proportionnel, modifiant continuellement les abattements pour durée de détention des plus values-immobilières qui sont passées de 22 ans, à 15 ans, puis à 30 ans, pour enfin revenir à 22 ans.
-Plus-values immobilières
Pour les cessions réalisées depuis le 1er septembre 2013, l’abattement pour durée de détention est établi à 6 % par année au-delà de la 5e et de 4 % pour la 22e année, au terme de laquelle l’exonération d’impôt sur le revenu est définitivement acquise. Un abattement exceptionnel et temporaire de 25 % est appliqué aux plus-values réalisées entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014, voire jusqu’au 31 décembre 2016 dans certaines zones. Cet abattement se calcule après les abattements de droits communs pour le calcul de l’IR et des prélèvements sociaux.
Ce nouveau dispositif d’abattement pour durée de détention n’est toutefois applicable ni aux cessions de terrain à bâtir, ni aux prélèvements sociaux.
Les terrains à bâtir conservent l’ancien régime de 2012, composé d’abattements de 2, 4 puis 8 % sur une période totale de 30 ans. Quant à l’exonération des prélèvements sociaux sur l’ensemble des plus-values immobilières, elle n’est définitivement acquise qu’au terme d’une période de… 30 ans, avec des abattements de 1,65 % entre la 6e et la 21e année de détention, de 1,60 % pour la 22e année et de 9 % entre la 23e et la 30e année.
On regrettera, une fois de plus, que le législateur n’ait pas su rendre définitivement plus lisible un dispositif qu’il a compliqué à l’envie en quelques années.
-Plus-values mobilières
Le régime des plus-values mobilières est profondément modifié. Ces plus-values sont désormais intégrées au barème d’imposition sur le revenu, avec effet rétroactif au 1er janvier 2013. En conséquence, les mécanismes complexes d’abattement votés l’an dernier et issus du mouvement des "pigeons" sont abandonnés, avant même d’avoir été appliqués. Ils sont remplacés par deux dispositifs d’abattement, l’un de droit commun et l’autre, plus favorable, réservé aux cessions de titres de PME pour des investissements réalisés dans les dix années de leur création.
Ironie fiscale, l’imposition au barème des plus-values immobilières devient, dans de nombreuses situations, bien plus favorable que les précédents régimes d’imposition au taux proportionnel.
Le régime nouveau ne s’appliquera pleinement qu’à partir de 2014.
Pour 2013, les exonérations en faveur des cessions dans le groupe familial, celles portant sur des titres de JEI et celles en faveur des dirigeants de PME partant en retraite sont maintenues.
Fiscalité de l’épargne
Deux régimes nouveaux d’assurance-vie sont instaurés. Le contrat "euro-croissance" garantit le capital à une échéance précisée, en contrepartie du versement des primes sur des fonds diversifiés. Le contrat « vie-génération » permet une transmission avec une fiscalité favorable, en contrepartie de laquelle les investissements doivent être ciblés dans le logement social, les PME et les ETI.
Le taux de prélèvement de 25 % assis sur tous les contrats d’assurance-vie est porté à 31,25 % pour la part taxable de chaque bénéficiaire supérieure à 700 K€.
Depuis le 1er janvier 2014, en complément de leur PEA "classique", les contribuables domiciliés en France peuvent ouvrir un PEA "PMEETI", réservé à des investissements en titres de PME ou d’ETI européennes. Le plafond de ce PEA est de 75 000 € et le plafond du PEA classique est majoré et établi à 150 000 €. Les bons de souscriptions d’actions, les actions de préférence et les participations supérieures à 25 % ne sont éligibles dans aucun des deux dispositifs.
Imposition des entreprises
Pour l’essentiel, ces mesures s’inscrivent sous le signe de l’austérité.
D’une part, la déduction des intérêts des emprunts versés à des sociétés liées est conditionnée à une imposition minimale du prêteur à un impôt au moins égal à 25 % de l’impôt français, déterminé dans les conditions de droit commun. Cette mesure s’applique aux exercices clos depuis le 25 septembre 2013.
D’autre part, le taux de la contribution exceptionnelle d’impôt sur les sociétés passe de 5 % à 10,7 % pour les exercices clos à compter de 31 décembre 2013.
De même, la fameuse contribution exceptionnelle sur les rémunérations supérieures à 1 million d’euros, censurée l’an dernier par le Conseil constitutionnel, est applicable aux versements effectués en 2013 et en 2014. On remarquera cependant qu’elle ne porte plus sur les rémunérations perçues par les personnes physiques, mais sur les charges engagées par les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés.
De surcroît, son taux est passé de 75 % à 50%, sans que la presse économique n’ait semblé s’en apercevoir. Enfin, elle est plafonnée à 5 % du chiffre d’affaires de l’année au titre de laquelle elle est due et déduite de l’assiette de l’impôt l’année de son versement.
Le dispositif de taxe sur les véhicules de sociétés est complété par une composante "air", applicable depuis le 1er octobre dernier, alors que le tarif du malus est augmenté pour 2014.
Enfin, le crédit d’impôt métiers d’arts entre dans le champ des minimis et le crédit d’impôt apprentissage est désormais limité aux seuls apprentis de première année de cycle de formation, préparant un diplôme de niveau au plus égal à BAC + 2.
Cependant, le régime du crédit d’impôt-recherche est assoupli pour la prise en charge des rémunérations des jeunes docteurs et étendu aux dépenses de propriété industrielle, engagées en dehors de l’espace économique européen.
Taxe sur la valeur ajoutée
La troisième loi de finances rectificative pour 2012 prévoyait l’évolution des taux de TVA au 1er janvier 2014 pour financer le CICE. Quelques mesures correctives ont toutefois été adoptées.
Le taux réduit de TVA devait être abaissé à 5 %. Il est maintenu à 5,5 %. L’application du taux réduit est étendue à certaines livraisons et prestations ; il s’agit principalement des places de cinéma, de la fourniture de logements et de nourriture dans certains foyers et de certains travaux immobiliers (amélioration de la qualité énergétique des logements, construction et rénovation de logements sociaux).
Le taux intermédiaire (10 %) est dorénavant applicable aux opérations de construction de logements intermédiaires et aux livraisons de certains engrais.
Enfin, on notera l’instauration de deux dispositifs d’autoliquidation de la TVA, l’un d’application générale, en cas de sous-traitance dans le secteur du bâtiment, l’autre prévu dans les cas de fraudes soudaines et massives.
Contrôle fiscal et lutte contre la fraude fiscale
La loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière du 6 décembre 2013 a renforcé l’arsenal répressif de l’administration française, principalement contre les fraudeurs.
La loi de finances pour 2014 a complété le dispositif et instauré l’obligation pour certaines grandes entreprises de présenter à l’administration, lors d’une vérification de comptabilité, leur comptabilité analytique et, le cas échéant, leurs comptes consolidés.
Enfin, depuis le 1er janvier 2014, le défaut de présentation d’une comptabilité informatisée lors d’une vérification est sanctionné par une amende de 1 500 €.
Vital Saint-Marc, Président du club fiscal du conseil régional de l’ordre des experts-comptables Paris Ile-de-France
A propos
Cet article provient du numéro 85 du Francilien, la revue des experts-comptables région Paris Ile-de-France qui comprend notamment un dossier sur la formation en alternance.
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