La tendance est de plus en plus forte et dépasse probablement le simple effet de mode : le monde de l'entreprise souhaite rayonner d'un impact positif autour de lui, s'engager sur le registre social ou environnemental. Le Salon des Entrepreneurs, qui a pris place à Paris les 5 et 6 février 2020, a été l'occasion d'approfondir cette idée lors du débat d'ouverture.
Dans les années 80, le groupe Téléphone dénonçait les écueils du capitalisme en chantant : « Argent, trop cher, trop grand, la vie n'a pas de prix ! » Depuis, la donne a quelque peu changé. Difficile aujourd'hui d'opposer aussi farouchement le monde des affaires, du profit, et l'exigence d'une vie authentique, soucieuse des autres et de moralité. Car indéniablement, et au-delà des façades marketing, la frontière se brouille entre business et engagement éthique.
C'est tout le propos du « positive impact » sur lequel est revenu le débat d'ouverture du Salon des Entrepreneurs 2020 le 5 février dernier. Plusieurs dirigeants ont alors témoigné de leurs efforts quotidiens pour marier leur projet commercial à des démarches sociales ou environnementales, dans une perspective de développement durable.
Une autre manière d’envisager l’entrepreneuriat...
« Nous voyons apparaître une tendance extrêmement forte : c'est cette tendance au positive business, cette volonté de réconcilier dans l'entreprise toutes les dimensions d'une vie » déclare ainsi Pierre Louette, PDG du groupe Les Échos - Le Parisien, en introduction de l'événement. « Ce principe de défense de la planète, défense de l'environnement, défense aussi d'une société meilleure pour l'ensemble de ceux qui la composent, ce principe est désormais au cœur des entreprises » souligne-t-il également.
Le capitalisme serait-il en train de se piquer de moralité ? Le philosophe André Comte-Sponville soulevait la question dans un ouvrage paru en 2004. Et aujourd'hui, il semble bien que cela soit le cas… de plus en plus ! Du reste, le législateur lui-même se fait l'écho de cette évolution, avec la loi PACTE, qui a introduit en droit des sociétés la notion de raison d'être et l'exigence que les entreprises intègrent les enjeux sociaux et environnementaux. Dans le même sens, les sages de la rue de Montpensier ont tout récemment consacré un « objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement » qui doit selon eux composer avec la liberté d'entreprendre.
« Créer une entreprise à notre image, qui corresponde à nos valeurs »
Parmi les dirigeants mis à l'honneur pour leur engagement sociétal lors du débat d'ouverture, se trouve Loubna Ksibi, Co-Fondatrice de Meet My Mama. Ce traiteur fait appel aux talents culinaires de femmes issues de l'immigration et les accompagne conjointement, les forme en vue de leur intégration dans le monde du travail.
« Nous avons créé Meet My Mama pour une seule raison qui est de permettre à un maximum de femmes de vivre de leur talent pour la cuisine » explique Loubna Ksibi. « C'est aussi une démarche personnelle, avec mes deux Co-Fondateurs, de créer une entreprise à notre image, qui corresponde à nos valeurs (...) avec tout cet impact social derrière mais aussi cet impact environnemental, cette dimension de partage également, partage des cultures, partage de valeurs. »
Quand le désir de profit nourrit la philanthropie
Voilà une très belle image du « positive business » mis en avant lors du Salon des Entrepreneurs ! Cette tendance manifeste est d’ailleurs d’autant plus enthousiasmante qu'elle semble dépasser – du moins a-t-on envie d'y croire ! – le simple effet de mode ou autre affichage marketing.
Après le tout consommation, un mouvement de balancier semble s'opérer aujourd'hui et déboucher, de manière relativement profonde, vers un besoin de sens et d'engagement – particulièrement prégnant chez les jeunes – doublé d'une affinité croissante pour la création de business. Il en résulte ce curieux modèle, très actuel, de l'entreprise à impact. Les projets sociétaux ne sont plus ainsi l'apanage de l'action publique ou associative. Et ce nouveau paradigme a ceci de particulièrement puissant que la générosité est alors alimentée, paradoxalement, par toute l'énergie égoïste de la soif d'entreprendre et de la recherche du profit.
« Ce n'est pas parce que l'on est une entreprise à impact que l'on n'a pas envie d'être riche, que l'on n'a pas envie de faire de l'argent. C'est très important de le souligner car au final, on ne va pas réussir notre mission sociétale si nous n'avons pas les moyens de la réaliser » témoigne ainsi Loubna Ksibi.
Hugues Robert (@HuguesRob)