Selon l'institut d'études Xerfi, l’activité des professionnels du chiffre est repartie de l’avant en 2016/2017. Mais pour améliorer durablement l’attractivité et la rentabilité de leur offre, ces derniers devront basculer d’une logique de prestataire de services à une logique d’entreprise de services en développant le conseil.
En phase avec la reprise de l’économie française, l’activité des professionnels du chiffre est en croissance sur les années 2016 et 2017 (+5 %). Dans ce contexte, les créations d’entreprises progressent, le risque de défaillances s’amenuise et les dépenses d’investissement augmentent. La croissance du chiffre d’affaires des acteurs sera d’ailleurs supérieure en 2018/2019 (+4 %) à celle de la période post-crise qui vient tout juste de se terminer selon les prévisions de Xerfi. De quoi permettre un très léger rebond des marges des cabinets d'expertise comptable et d'audit en 2018/2019 (taux d’excédent brut d’exploitation de 9,6 % contre 9,5 % en 2016/2017).
Seul bémol : cette embellie pourrait inciter les cabinets à privilégier la production comptable – et donc le court terme – au développement de l’activité – soit le long terme. Or, le temps presse pour les professionnels du chiffre en pleine transformation de leur métier alors que les pressions sur les prix restent fortes. Pour améliorer durablement l’attractivité et la rentabilité de leur offre, ils doivent ainsi basculer d’une logique de prestataire de services à une logique d’entreprise de services en développant le conseil.
Cette transformation est d’autant plus indispensable que l’environnement se détériore. D’abord, les évolutions réglementaires entraînent inexorablement les cabinets et associations de gestion et de comptabilité (AGC) vers une logique de marché. Ensuite, la concurrence extra-sectorielle se précise. C’est ainsi que de nouvelles solutions de gestion émergent pour les TPE, à l’image de Fizen, QuickBooks ou Xero. Celles-ci s’appuient d’ailleurs sur une promesse de valeur efficace, à savoir une simplification maximum de la comptabilité pour cette cible de clientèle. De fait, un risque de réinternalisation de la tenue comptable se profile. Avec les FinTech et autres LegalTech, une autre menace se dessine. Les start-up de la finance et du droit se tournent à leur tour vers la cible des TPE/PME, en faisant le pari de la révolution des usages.
Sans oublier qu’avec la blockchain, un nouveau danger se précise. Cette technologie ouvre en effet la possibilité à un registre central d’auto-valider les écritures comptables des entreprises.
Miser sur le conseil pour se réinventer
Face à la « commoditisation » des services de comptabilité, les professionnels du chiffre sont condamnés à démontrer leur utilité vis-à-vis de leurs clients. La transformation de leur métier en expert de l’entreprise est donc inévitable, de l’avis de Xerfi. Les cabinets doivent ainsi allouer suffisamment de ressources aux activités stratégiques comme les missions de conseil. S’ils s’engageaient résolument sur cette voie, ils pourraient espérer engranger plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires supplémentaire. Un montant qui pourrait être supérieur si la profession développait une offre de conseil à destination des TPE/PME.
Déjà, les Big 4 se sont engouffrés dans la brèche du conseil aux grands comptes. Certains développent même cette activité pour les TPE/PME, à l’image d’In Extenso (groupe Deloitte) et KPMG. Pour les plus petits cabinets, le chemin du conseil reste à l’évidence beaucoup plus compliqué.
Afin d'améliorer la valeur perçue de leur offre, les cabinets peuvent également explorer d’autres voies. La vente de produits (de financement ou d’assurance par exemple), la spécialisation sur un secteur ou une expertise mais aussi l’adossement à un réseau structuré ou à un groupement d’indépendants sont ainsi des pistes de réflexion. Sans oublier la digitalisation de la chaîne de valeur du cabinet, source notamment de gains de productivité.
Nous avons eu l'occasion de développer ces thèmes stratégiques et d'avenir pour le monde du chiffre dans le cadre d'un entretien avec Philippe Gattet, directeur d'études Xerfi-Precepta et auteur d'une étude sur les perspectives des professionnels du chiffre à l’horizon 2019.