Interview de Michel Bohdanowicz, président du groupe de travail "cloud", sous l’égide de la Commission Innovation technologique présidée par Jean Saphorès.
Quelles opportunités représente l’arrivée du Cloud dans un cabinet d’expert-comptable ?
Le principal avantage du Cloud, c’est de permettre à un usager d’accéder aux données sans contrainte de temps, de localisation ni de matériel - ce que l’on résume par l’acronyme ATAWAD (anytime, anywhere, any device). Dans les faits, cependant, toutes les solutions Cloud ne respectent pas ces trois contraintes, notamment pour la saisie des données.
Que peut apporter le Coud aux clients des experts-comptables ?
Le Cloud permet à un client d’avoir accès à toutes les informations qui le concernent - en mode consultation, voire, ce qui est un plus, en mode collaboratif. Le Cloud n’est qu’un facilitateur : les informations peuvent également être restituées via des serveurs internes.
En matière de protection des données, les obligations des cabinets d’experts-comptables vis à vis de leurs clients sont-elles suffisamment connues et appliquées ?
Ce n’est pas toujours le cas. Pourtant, la jurisprudence incite fortement à prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la protections des données des clients. Ce sujet ne se limite pas au Cloud, mais à tout serveur d’informations, qu’il soit externe ou local.
Comment un expert-comptable peut-il garder le contrôle de ses données, alors qu’il ne maîtrise pas leur stockage ?
La localisation des serveurs est un paramètre très important. Le prestataire doit être en mesure d’indiquer dans quel pays sont basés ses serveurs. Cela représente un véritable engagement, quand on sait qu’il existe des chaines de sous-traitances, et des usages d’externalisation des prestations d’hébergement et de sauvegarde.
Quels sont les autres risques concernant les données numériques qui doivent être correctement évalués et anticipés ?
Le contrôle des données constitue également un sujet essentiel, auquel on peut répondre via le cryptage. Mais ce dernier ralentit les flux d’information et peut compliquer la restauration des sauvegardes, c’est pourquoi il faut arbitrer entre vitesse et sécurité.
Dans votre liste de recommandations aux éditeurs, figure en bonne place la réversibilité et l’interopérabilité.
Le Cloud ne doit pas être une prison. Les éditeurs doivent permettre aux experts-comptables de revenir en arrière. C’est une garantie pour eux et pour leurs clients - même si dans les faits on ne change ni d’éditeur, ni d’expert-comptable, tous les six mois.
Un autre point incontournable est celui du secret professionnel.
Les éditeurs doivent totalement s’engager à respecter le secret professionnel des Experts-Comptables. Ces derniers ne peuvent en être déliés. Cela rejoint le problème de propriété des données. A l’heure du big data et de la BI (business intelligence) , il faut s’assurer à 100 % que les données ne soient pas réutilisées par les éditeurs.
Avez-vous bon espoir que les fournisseurs de Cloud suivent vos préconisations vis-à-vis des professionnels de l’expertise-comptable ?
Pour élaborer notre guide, nous avons travaillé avec une vingtaine d’éditeurs de logiciels en mode Cloud, à partir de questionnaires et d’enquêtes précises. Cela nous a permis d’établir une liste d’engagements que nous leur demandons de tenir. Celle-ci a déjà été ratifiée par quatre éditeurs (alors que le guide vient à peine d’être publié). D’autres devraient rejoindre ce premier groupe assez rapidement. L’idée n’est pas de contraindre les fournisseurs, mais de leur permettre d’avancer, avec les experts-comptables, dans la bonne direction.
A propos
Cet article provient du numéro 88 du Francilien, la revue des experts-comptables région Paris Ile-de-France.