Interview de François Epelbaum, expert-comptable, dont 20 % des clients appartiennent au secteur du prêt-à-porter.
Votre cabinet est implanté boulevard Sébastopol, au cœur du Sentier. Vous connaissez donc bien le secteur du prêt-à-porter…
En effet, quelques années après la création du cabinet, dans les années 60, plus de 80 % de notre clientèle était composée d’entreprise du secteur de la mode (créateurs fabricants, grossistes, et détaillants). Puis, le secteur du prêt-à-porter s’est progressivement concentré, notre clientèle s’est peu à peu diversifiée et représente aujourd’hui encore 20 % de notre portefeuille notamment grâce au poids de nos clients historiques, devenus pour certains, de grandes marques internationales.
Comment le secteur s’est-il transformé justement ?
Le marché s’est fortement concentré et raréfié. Une transition s’est opérée se traduisant par la transformation progressive d’une multitude de petits acteurs en quelques grands groupes. Dans les années 80 il y avait une chaîne d’activités comportant de nombreux intermédiaires. En 2015, les marques font désormais fabriquer leurs propres produits et les distribuent au sein de leurs magasins. Elles ont donc nettement plus de poids et sont parfois soutenus par des fonds d’investissement. Ce phénomène de concentration a permis de considérablement réduire les coûts et de créer une mode infiniment plus accessible. Dans les années 80, il fallait débourser jusqu’à 1.000 euros pour disposer d’un tailleur à la mode, alors qu’en 2015, il est possible de trouver sans difficultés des pièces de qualité équivalente pour 10 fois moins cher.
Le visage des villes et des rues commerçantes lui-même s’est transformé. Dans le passé, des centaines de boutiques multimarques diverses se faisaient face tandis qu’aujourd’hui, nous retrouvons les mêmes grandes marques, de ville en ville et de pays en pays.
Y a-t-il des spécificités comptables inhérentes à cette activité ?
Question difficile car les acteurs sont pluriels. Le détaillant multimarques qui ne dispose que d’un seul magasin a des besoins relativement différents comparé à la grande marque, qui fait fabriquer ses produits en Asie et qui les distribuent via 500 magasins en Europe.
Cependant, un élément commun s’impose à tous les acteurs : il s’agit d’un métier saisonnier impliquant un important pic d’activités durant la période des soldes. N’oublions pas que certaines marques de mode féminine font jusqu'à 60 % de leur chiffre d’affaires pendant ces périodes ! Cela suppose bien entendu de s’organiser en conséquence. Il est nécessaire de savoir anticiper et gérer ses stocks, bien calibrer ses achats afin d’éviter de se retrouver avec un surplus de marchandises impossible à écouler.
En tant qu’expert-comptable et dans le but d’accompagner ses clients de façon optimale, cela suppose de fournir un certain nombre d’analyses de gestion couplées à des éléments prévisionnels.
Le succès croissant des soldes suppose également de se concentrer sur les calculs de marge. La marge finale n’est pas la marge prévue au départ. Il faut être capable de l’anticiper pour rester rentable, bien que l’on vende en grande partie à prix cassé.
Quels sont selon vous les grands défis qui attendent les acteurs du prêt-à-porter ?
Le digital est en train d’insuffler de grands changements. Les ventes en ligne prennent de plus en d’importance, que ce soit via le prisme des pure players ou celui des boutiques en ligne des marques traditionnelles. C’est une situation difficile pour les marques car elles peinent à trouver un modèle économiquement rentable pour la vente sur Internet. Pour se lancer dans le e-commerce, elles se doivent d’investir massivement et ne voient pas toujours le retour sur investissement. Le vrai défi est sans doute pour elles de parvenir à concilier leurs différents espaces de vente, physiques et virtuels, et de mettre en place les bons outils afin de prendre une place intéressante sur ce marché qui se développe de façon exponentielle.
En effet, les consommateurs sont de plus en plus exigeants. Une marque doit être en mesure de leur proposer l’article désiré dans la taille et la couleur qu’ils attendent en boutique ou sur Internet à tout moment. Pour une enseigne, cela implique notamment de mettre en place des outils informatiques de gestion de stock et de gestion commerciale extrêmement performants, ce qui n’est pas une évidence à l’heure actuelle.
A propos
Cet article provient du numéro 90 du Francilien, la revue des experts-comptables région Paris Ile-de-France.