Interview de Rémy Amato, Président du Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables de La Réunion.
Quel a été votre parcours professionnel ? Comment êtes-vous devenu expert-comptable ?
Lycéen, je n’avais pas pour objectif de devenir expert-comptable. Déjà, pourquoi la compta ? C’est assez difficile à dire. Mes professeurs voulaient m’envoyer en filière économique ou scientifique. Quitte à être bon dans une filière, j’ai été tenté par la comptabilité. Nous avons eu un professeur qui nous a tout de suite passionnés pour la matière ; pour autant, je ne souhaitais toujours pas exercer ce métier. Dans mon esprit, l’expert-comptable était le grand patron brillant et inaccessible. J’étais assez impressionné par ce qu’il représentait. C’est en évoluant dans le cabinet, en rencontrant des personnes détentrices du diplôme que j’ai fini par me dire que je pouvais devenir un membre de la profession. Mon envie d’être expert-comptable est le fruit d’un cheminement que j’assimile à un marathon. Chacun avance à son rythme, mais une chose est certaine : si on ne lâche pas, on obtient le diplôme.
A partir de là, mon parcours est classique : j’ai passé un BAC G2 puis un BTS comptabilité. J’ai commencé à travailler en cabinet tout en passant le DECF. Mes études se sont déroulées à Avignon mais j’ai toujours souhaité démarrer ma carrière professionnelle à Paris. J’ai travaillé pendant trois ans dans un petit cabinet situé près des Invalides. C’est à cette période que j’ai commencé à passer les UV du DESCF. Je n’avais pas vraiment d’objectif. Je savais simplement que je ne voulais pas quitter les cabinets d’expertise sans avoir obtenu le DEC. La rencontre avec mon épouse a été déterminante puisque c’est elle qui m’a emmené à la Réunion, où je vis depuis maintenant 20 ans. Dans un premier temps, j’ai été embauché dans un cabinet à dominante audit, dans lequel je suis resté 10 ans. En parallèle, je continuais de valider mon DESCF et j’ai finalement été diplômé en 2005, à 32 ans. Une fois le diplôme en poche, j’ai très vite pensé à créer mon propre cabinet. Je me suis associé en 2008.
Comment s’est manifestée votre envie d’engagement au sein des institutions ?
L’association dans mon cabinet se passait bien et j’ai souhaité me rapprocher des instances. Au départ, je ne souhaitais pas forcément m’engager, mais plutôt comprendre comment l’institution fonctionnait. Sauf que s’intéresser à l’envers du décor amène très vite aux actions bénévoles ; on est rapidement repéré et embarqué dans l’aventure ! Une fois investi, j’ai pris la mesure de tout ce qui était porté par le Conseil régional. J’ai échangé avec mes confrères, partagé mon expérience terrain… Et c’est cela qui a révélé mon envie de servir la profession.
J’ai été président de syndicat et président d’IRF. En 2012, j’ai entamé mon premier mandat en étant nommé vice-président sous la mandature de Marcelino Burel. J’intervenais sur la fiscalité et j’étais également très présent sur le sujet de la formation, en tant que président d’IRF et président du comité régional de stage. J’étais également en charge de la conciliation.
Ces expériences ont été très enrichissantes et pleines de défis ! Pour terminer sur cette notion d’engagement, je dirais qu’il est aussi familial : nos activités en cabinet et au sein de l’institution demandent beaucoup de disponibilité. Le professionnel s’invite régulièrement à la maison. La famille est donc un soutien important.
Et cette nouvelle mandature, comment l’envisagez-vous ?
Au sein du Conseil régional de la Réunion, nous organisons beaucoup d’activités. Un élu réalise ainsi entre 300 et 500 heures de bénévolat par an. Il est donc primordial que notre entente soit bonne et que nous ayons plaisir à nous voir. Certes, il s’agit de travail, on se dit les choses et parfois, nous ne sommes pas d’accord ; pour autant, nous sommes toujours contents de nous retrouver. C’est essentiel pour moi. Une équipe dynamique et soudée, c’est ce que Marcelino Burel, président sortant, avait réussi à créer. L’objectif de cette nouvelle mandature est d’étendre ce petit noyau à nos nouveaux élus. Par ailleurs, notre action se fera dans la continuité des mandatures précédentes.
L’influence, un enjeu important sur notre territoire
Nous devons exister au sein du monde économique local en communiquant sur la nécessité d’être consultés sur les sujets en lien avec le monde de l’entreprise. Il nous faut également communiquer nos idées et rappeler notre rôle d’assistance. Nous devons enfin sortir de cette image technicienne liée aux chiffres. Revendiquer cette place auprès du tissu économique local est aussi un moyen de lutter contre l’exercice illégal : le chef d’entreprise doit pouvoir faire la différence entre un « comptable marron1 » et un expert-comptable. Sans oublier la nécessité de valoriser notre rôle de conseil. C’est pour cela que développer notre influence et notre présence auprès des instances est important. Nous souhaitons également développer notre présence au niveau médiatique, notamment pour illustrer notre accessibilité.
Créer de la cohésion entre confrères via différentes manifestations et colloques
A la Réunion, les journées des Clubs fonctionnent très bien à l’image des journées sociale et fiscale. Nous réunissons entre 80 et 90 personnes à chaque édition. Notre assemblée générale est également un beau succès. « La Réunion, starter des start-ups » est la thématique de cette année. Enfin, la Journée des associations est un temps fort et participe à notre objectif d’influence. Nous avons fait partie des régions pilotes sur le sujet et c’est un événement très attendu localement.
Anticiper les évolutions et difficultés pour la profession…
En étant en veille sur certains sujets tels que la DSN, le FEC, la dématérialisation... L’objectif est de donner l’information aux confrères et de leur permettre de rencontrer les opérateurs locaux. Nos partenaires sont très demandeurs de ces moments d’échanges, de même que les membres de la profession. Info Lodeom est un bon exemple de cette démarche. Cela a permis de faire remonter les difficultés du territoire ultramarin, pour lequel les modes d’emploi sont toujours un peu courts.
Favoriser l’accès à de nouveaux marchés
On s’est rendu compte que certains interlocuteurs ne faisaient pas appel à nous par méconnaissance du rôle que nous pouvions avoir à leurs côtés. C’est en cela que des événements comme la Journée des associations sont essentiels, car ils permettent de nous positionner favorablement sur ces secteurs. Le marché de la création d’entreprise est aussi un sujet sur lequel nous sommes très présents, avec par exemple l’animation de réunions. Sur ce sujet, nous travaillons beaucoup avec le Pôle Emploi et la région.
Une dernière chose que vous aimeriez évoquer ?
En partenariat avec la préfecture, nous avons lancé l’opération « Business to Market », un espace de rencontre entre des cédants et des investisseurs. Travailler avec la préfecture a permis de garantir l’aspect non commercial de la démarche du Conseil régional, tout en donnant un gage de sérieux. D’ailleurs, nous fermons l’inscription à tous les intermédiaires du marché de la transmission. La 7e édition a été un beau succès. Des transmissions se font et les investisseurs sont, chaque année, toujours plus nombreux. Nous avons même eu l’honneur de recevoir des personnalités locales influentes comme le représentant local du Ceser, Conseil économique social et environnemental de La Réunion, et un ancien chef d’entreprise investi dans des activités de lobbying. Au travers de l’opération, nous souhaitons valoriser des valeurs telles que le partage et la convivialité. C’est aussi un moyen pour nous de communiquer sur la profession en soulignant notre rôle de conseil sur des sujets délicats tels que la transmission, et plus largement, de valoriser notre savoir-faire autour de l’entreprise. Je pense que « Business to Market » est quelque chose qui pourrait être mis en place ailleurs. J’invite les autres régions à nous contacter, nous sommes plus que partants pour transmettre notre mode opératoire !
1. Expression locale pour désigner les illégaux, faisant référence au marronage.