Une tribune de Fatima Marquet, expert-comptable, co-directrice du bureau Sadec Akelys de Cergy Pontoise.
La confusion persiste entre la facture dématérialisée déjà fortement utilisée en entreprise et la facturation électronique qui sera uniformisée en 2026. Les grandes entreprises seront les premières à sauter le pas des 2024. Mais quelles sont les réelles différences entre l’une et l’autre ? Voici quelques astuces et conseils pour mieux s’y retrouver.
Des factures dématérialisées conformes grâce à la PAF
Dès la mise en place de la Piste d’Audit Fiable en 2013, il nous a fallu faire un gros travail d'information auprès de nos clients. Il fallait déjà les former à la PAF selon leur typologie de société et par conséquent à des factures sécurisées et normées.
Les factures doivent désormais être établies via des logiciels dédiés pour vérifier le cycle de vie d’une transaction, et s’assurer qu’aucune fraude n’a été commise selon la réglementation en vigueur, tout en sécurisant les déductions fiscales (TVA, charges…).
Parce que les factures fournisseurs ont une valeur à la fois commerciale, fiscale, comptable et juridique, elles participent au calcul de l’impôt des sociétés, et doivent être précieusement conservées. L’objectif est de sécuriser toutes les étapes du processus de facturation afin d’éviter les fraudes liées notamment à la déductibilité de la TVA.
La facturation électronique, gain de temps et de sécurité
La facturation électronique est bien différente. C'est la création et le traitement automatisé des factures entre fournisseurs et acheteurs, selon un process défini. Elle a été créée pour répondre à plusieurs objectifs distincts.
Premièrement, il s’agit pour l’Etat d’alléger la charge administrative des entreprises c’est-à-dire faciliter le traitement de leurs factures pour des délais plus rapides, pour une gestion plus efficace et plus sécurisée. Depuis le 1er janvier 2020, les entreprises sont tenues d’envoyer leurs factures à destination du secteur public en format électronique. Puis, la loi de finances pour 2020 a introduit l’obligation de facturation électronique dans les échanges entre entreprises assujetties à la TVA, établies en France.
Elle peut se matérialiser sous plusieurs types de fichiers mais le format mixte est approprié pour les entreprises qui ont des clients particuliers et professionnels. L’avantage d’un même format pour tous est que le particulier n’y voit qu’un PDF là où l’entreprise peut, elle, exploiter le contenu XML (type facture X). Avec l’uniformisation de la facture électronique, les entreprises peuvent librement choisir de recourir à deux types de plateformes :
- soit au Portail Public de Facturation (PPF) gratuit opéré par l‘Etat qui se charge de transmettre les données aux destinataires dont l’administration fiscale ;
- soit à des Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP) privées payantes, agréées par l’administration, qui proposent des services à leurs adhérents et transmettent les données aux destinataires et au PPF qui les communiquera ensuite à l’administration fiscale.
Le dispositif tient compte du degré de maturité numérique des entreprises. Il se déploiera progressivement entre 2024 et 2026.
Deuxièmement, via ces plateformes, les factures sont ainsi plus facilement validées pour passer en paiement automatique tout comme les process déclaratifs en matière de TVA. Dans un premier temps pour la TVA collectée, puis la TVA déductible. A terme, le fisc va pouvoir collecter la TVA automatiquement grâce à un pré-remplissage. C’est un énorme gain de temps.
De plus, avec une utilisation croissante de ces plateformes, cela permettra au fisc d’améliorer la détection de la fraude, évidemment, au bénéfice des opérateurs qui sont de bonne foi.
Ensuite, c’est aussi un argument financier assez fort. Le ministre de l’Economie estime le coût de traitement d'une facture entre 14 et 20 euros, comprenant le temps de saisie, la validation, le paiement, l'archivage et la gestion du litige et à multiplier par le nombre de factures annuelles à traiter. Avec une facture électronique, ce coût redescend à 4 euros seulement.
Enfin, la facture électronique permet aux entreprises de simplifier avec efficacité leur comptabilité. Sans compter son impact RSE, grâce à une suppression de la facture papier et de son archivage.
Le rôle de l’expert-comptable, conseiller à temps plein
Le rôle de l'expert-comptable est d’accompagner ses clients dans cette transformation numérique.
Un seul mot d’ordre : Anticiper ! Nos clients ont déjà des outils de facturation, parfois non, il s’agit de faire le point et de bien se préparer au passage à la facture électronique. Parce que si tout le monde s'y prend à la dernière minute, il est certain que cela risque de provoquer des dysfonctionnements.
Il faut s’assurer de l'exhaustivité des flux, tester la parfaite compatibilité des outils de gestion avec les plateformes choisies, s’assurer de la bonne transmission de toutes les informations, toutes les factures, pour qu’il n’y ait pas de perte en cours de route. Cela passe par des tests en amont, des formations régulières de collaborateurs à l’usage de l’interface concernée. Il sera impossible de transmettre les factures électroniques, sans recours aux logiciels de gestion. D’où l’importance d’anticiper !
En tant qu’expert-comptable et partenaire des entreprises, nous jouons un rôle de pédagogue autour de ces nouvelles législations et de ces nouveaux process. Car pour nous aussi, c’est un réel gain de temps et un grand changement. Aujourd’hui la saisie des factures représente 30 % du budget des honoraires d’un cabinet d’expert-comptable. Demain, avec la facture électronique uniformisée, on gagnera du temps. Nous pourrons ainsi concentrer 100 % de notre temps sur des missions de conseil pour aider nos clients à grandir et les accompagner dans leurs projets de développement.
Enfin, du point de vue du commissaire aux comptes, la facture électronique engage et oblige aussi à l’honnêteté des collaborateurs. Si la facture est électronique, normée et sécurisée, ce sera plus facile pour nous de contrôler et de relever des irrégularités.