Avenir des commissaires aux comptes : vers une activité de labellisation ?

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A l’heure du PACTE et du régime sévère subi par le champ d’intervention des auditeurs légaux, ces derniers doivent investir de nouveaux terrains. Et pourquoi pas celui de la labellisation ? s’interroge à titre personnel Philippe Bonnin, Président de l’IFEC Paris Île-de-France.

Le projet de loi PACTE assombrit l’horizon des commissaires aux comptes. Mais ils disposent encore de beaux atouts et leviers de développement. La piste de l’activité de labellisation est notamment à considérer selon le Président de l’IFEC Paris IDF Philippe Bonnin. Lors des débats parlementaires sur le PACTE, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a d’ailleurs évoqué la possibilité de nouvelles missions pour les auditeurs, d’attestations ciblées sur des enjeux comme la cybersécurité ou la lutte contre la corruption.

Il existe des certifications ISO ou encore des labels RSE délivrés par certains organismes. Dans la même logique, l’ONG MSI a mis en place un label pour évaluer la santé financière des entreprises. N’y aurait-il pas ici un boulevard pour les tiers de confiance que sont les commissaires aux comptes ?

La labellisation : une voie royale pour les commissaires aux comptes tiers de confiance ?

« Le monde économique a besoin de se rassurer et d’instaurer un climat de confiance. Le marché est à la recherche d’un cadre dans lequel il peut se reconnaître » explique Philippe Bonnin. Un dispositif de labellisation délivré par des auditeurs légaux viendrait utilement répondre à ce besoin.

« Nous avons des atouts, nos connaissances des processus, de l’entreprise, nos compétences » poursuit Philippe Bonnin. « Nous disposons également d’un avantage intéressant dans le positionnement : cette image d’acteur pour le compte de la collectivité. » De fait, quoi de mieux qu’un tiers de confiance institutionnalisé par les pouvoirs publics pour délivrer des labels fiables sur la situation économique des organisations ?

« Je suis intimement convaincu qu’un certain nombre d’entreprises qui n’ont pas l’obligation d’avoir un commissaire aux comptes en raison des seuils [ndlr : à plus forte raison si ces derniers devaient être rehaussés] conservent en revanche un besoin de fournir à leur environnement économique un certain nombre de certitudes et d’éléments de confiance » relève Philippe Bonin. 

La labellisation apparaît alors comme une réponse « business » intéressante des auditeurs face au relèvement des seuils prévus par le PACTE : à défaut d’obligation légale de certification des comptes, il reste envisageable d’exploiter le besoin marché de confiance afin de vendre un service de labellisation, qui pourrait du reste constituer un avantage concurrentiel pour les entreprises. Alors que le PACTE exprime des valeurs entrepreneuriales très fortes, ne serait-ce pas le moment pour les commissaires aux comptes de prendre le pli (voire les devants) et d’épouser une orientation légèrement plus business ?

Le risque (dépassable) de confusion des genres entre commissariat aux comptes et démarche marketing

Les dispositifs de certification ou de labellisation sont très liés aux stratégies commerciales de communication des entreprises. Proposer de tels services n’est-il pas susceptible, par effet d’association, d’entamer l’image de tiers de confiance désintéressé des auditeurs légaux ?

« C’est le risque » concède Philippe Bonnin. « En revanche, si l’on pose cette question, on peut s’interroger sur l’ensemble des acteurs de la certification par exemple en matière de RSE : même si l’on sait que derrière se trouve une lourde démarche marketing, est-ce que pour autant l’indépendance de ces organismes est mise à mal ? (…) Effectivement, nous allons peut-être donner une image un peu plus marketing, commerciale, business. Mais n’est-ce pas la tendance qui s’ouvre également à nous ? »

Hugues Robert

 

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