Le serment, du sacré dans son métier

A LA UNE
Outils
TAILLE DU TEXTE

Une tribune d'Olivier Salustro, Président de la CRCC de Paris.

Le Larousse définit le serment comme « l’affirmation solennelle de quelqu'un en vue d'attester la vérité d'un fait, la sincérité d'une promesse, l'engagement de bien remplir les devoirs de sa fonction ».

Défense et recherche de la vérité, sincérité et fidélité à la parole donnée, respect de ses obligations : ces dispositions éthiques sont présentes dans tout serment et lui confèrent une force et une solennité particulières.

Les commissaires aux comptes et les experts-comptables prêtent serment comme le font avocats, notaires, architectes, géomètres-experts, douaniers, etc., et d’autres corporations professionnelles intervenant dans le monde du chiffre, du droit ou de la santé – santé des individus, des entreprises ou des institutions...

Une parole à valeur sacramentelle

Comme souvent, il est intéressant de se pencher sur l’étymologie de cette notion qui renvoie à un phénomène pratiqué depuis la nuit des temps. Le mot vient du latin sacramentum. Serment et sacrement ont la même racine : ainsi est mise en évidence la dimension sacrée de cet acte solennel, à la fois individuel et public, personnel et collectif.

Il peut avoir une portée politique et historique considérable. Ainsi du serment du Jeu de Paume, événement fondateur de la Révolution française. Ou du serment de Koufra, par lequel la France Libre, par la voix du futur maréchal Leclerc, s’engagea en mars 1941 à combattre jusqu’à ce que le drapeau tricolore flotte à nouveau sur Strasbourg.

Le serment professionnel le plus connu est sans nul doute celui d’Hippocrate que prononcent les jeunes médecins au seuil de leur destinée de soignant. Celui de Galien pour les pharmaciens et de Bourgelat pour les vétérinaires (du nom du fondateur de la science vétérinaire scientifique au XVIIIème siècle) sont moins célèbres mais ils procèdent exactement de la même philosophie : compétence, responsabilité, sens du devoir, dignité dans ses actes professionnels, respect de la vie placée entre leurs mains.

Et si le serment médical possède une telle force, c’est bien parce qu’il a trait, justement, à la vie et au caractère sacré qui lui est attaché. De là son origine religieuse. Chez les Grecs, le serment d’Hippocrate s’ouvrait sur une invocation aux dieux : on jurait par Apollon, par Esculape et par Panacée. La mythologie a été abandonnée mais les valeurs qui sous-tendaient le serment se sont conservées et étendues au-delà de la seule sphère médicale. Par exemple, le secret professionnel, pierre angulaire de la déontologie des professions réglementées, était déjà affirmé dans le serment d’Hippocrate : « Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué. »

CAC, un serment pour la vie

Rien ne serait plus inexact que de voir dans le serment une symbolique un peu désuète, une coutume folklorique ou une simple formalité. Il incarne au contraire toute la noblesse et l’utilité sociale des professions qui y sont soumises et qui recèlent dans leurs missions une part de « sacré ».

Incisif et succinct, le serment des commissaires aux comptes fixe en quelques mots les devoirs les plus impérieux et les plus inconditionnels qui s’imposent à ceux qui le prononcent : « Je jure d'exercer ma profession avec honneur, probité, et indépendance, de respecter et faire respecter les lois. »

L’honneur, sentiment chevaleresque ; la probité, gage de confiance ; l’indépendance d’esprit et de comportement, gage de rigueur et d’impartialité ; l’attachement aux lois et l’engagement de veiller non seulement à les respecter mais aussi à les faire respecter dans l’exercice de sa profession (et au premier chef par ses clients) : tels sont les piliers déontologiques dont le serment proclame l’autorité.

En d’autres termes, la conscience, l’intégrité, le sens du devoir, la loyauté, le respect absolu de la loi sont les fondements de la pratique professionnelle dont il n’est pas possible de s’exonérer, sauf à encourir... les foudres de la loi, l’opprobre publique, la défiance de ses pairs et de ses parties prenantes, la mauvaise réputation. Et peut-être une perte d’estime de soi. Car le serment confère des obligations mais aussi beaucoup de fierté pour son métier.

Etre un tiers de confiance se mérite. Ce statut passe, notamment, par un serment prononcé au cours d’une cérémonie solennelle dans une cour d’appel. Une seule fois dans une vie, mais pour toute la vie professionnelle. Un acte unique, rapide, mais fondateur et inoubliable. Sacré serment !

Olivier Salustro, Président de la CRCC de Paris

Les Annuaires du Monde du Chiffre