Une tribune du collectif CAC en mouvement, qui rassemble 17 Compagnies régionales des commissaires aux comptes (CRCC).
Dans son projet de loi PACTE pour la croissance des entreprises, le gouvernement prévoit de relever les seuils de l’audit obligatoire au niveau à partir duquel la directive européenne ne permet plus de dérogation.
Cette mesure constitue probablement un gage donné par le gouvernement au patronat, mais surtout une faute politique.
Tout d’abord, le gouvernement envoie ainsi un signal de permissivité aux petites entreprises, à contre-courant. Demain, plus de contrôle de vos comptes, de vos risques et de votre légalité ! Vous serez libre d’agir comme bon vous semble ! Et les conséquences sont connues d'avance : baisse de qualité des comptes et baisse de la confiance, réduction de l’assiette fiscale, augmentation de la délinquance « courante » dans les petites entreprises (comptes courants débiteurs, faux en écriture, bilan inexact, fraude fiscale...).
Plusieurs pays européens en ont fait l’expérience et sont revenus en arrière (ainsi l’Italie, la Suède, la Suisse et le Danemark) ou se retrouvent dans des situations inextricables (comme l’Angleterre, dont le marché de l’audit est tellement concentré aujourd’hui, que même un dirigeant de « Big » a récemment reconnu être en situation d’oligopole !).
Puis, avec un rapport IGF critiquable et la mise en place d’une commission destinée à examiner les conséquences non prévues au départ de la mesure (licenciements massifs, déstructuration, notamment en région, et affaiblissement d’une profession nécessaire à la vie des affaires, sort des étudiants et des jeunes professionnels...), le gouvernement démontre la mauvaise préparation de sa réforme.
Par ailleurs, avec ses méthodes « à la hussarde » exemptes de toute concertation préalable et le caractère inexorable de ses décisions, qui seront votées par une majorité absolue et acquise, il donne une forte impression d’arbitraire, insupportable dans une démocratie moderne. Ce qui ne peut que jouer négativement sur sa crédibilité à moyen terme.
En risquant d’avoir à indemniser la profession à hauteur d'1,5 milliards d’euros pour faire économiser 5 000 euros par an aux entreprises, il donne l’impression d’un marchandage politique de type populiste et de gaspiller les deniers publics.
En ne prenant pas en compte les effets à long terme de la réforme, à rebours de toutes les études et théories en matière de régulation économique, il fait preuve de légèreté, voire d’incompétence.
Monsieur le ministre, il est temps de reconsidérer cette mesure.
Le collectif des CRCC
Note : les propos ici tenus sont rédigés sous la responsabilité de leurs auteurs membres du collectif CAC en mouvement et n'engagent pas la rédaction.