Tribune de Nathalie Lutz, commissaire aux comptes et expert-comptable au sein du groupe Exponens où elle est associée.
Nathalie Lutz conduit des missions d'audit légal et contractuel auprès de groupes cotés et non cotés. Elle a notamment développé une spécialisation dans le domaine de l'assurance vie, IARD et de personnes, et des organisations professionnelles. elle pilote également les activités d'audit SI ainsi que de contrôle interne et de conseil en conformité financière des sociétés sous réglementation AMF. Nathalie Lutz est vice-présidente de la Commission développement de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC). Elle est également membre de la Commission assurance et contrôleur qualité déléguée de la CNCC. Au sein d'Exponens, elle est membre du Comité de direction et du Comité qualité & éthique.
Mesurer pour mieux transformer
La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui s'applique en France depuis le 1er janvier 2024, doit uniformiser le reporting extra-financier des entreprises sur les sujets liés au développement durable. La CSRD a été transposée le 7 décembre par la France , faisant de l'Hexagone l'un des premiers pays à retranscrire ce texte dans sa législation. Mesurer pour mieux se transformer, c’est tout l’enjeu de la CSRD. Les entreprises devront évaluer, de manière standardisée, les conséquences de leurs activités puis imaginer des plans. Les Commissaires aux Comptes ont toujours été des acteurs clés dans l'évaluation financière des entreprises. Aujourd'hui, avec la CSRD et l'accent mis sur la durabilité, un changement radical s'opère dans leur champ de mission.
« Le métier évolue vers de nouveaux horizons, élargissant son rôle pour devenir naturellement le premier OTI (organisme tiers indépendant) sans accréditation. Au cœur de cette transformation se trouve la certification des rapports de durabilité, un domaine émergeant qui devient un pilier essentiel pour les Commissaires aux Comptes (CAC) » précise Nathalie Lutz.
Préparation à la Directive CSRD : les étapes clés
La loi entrera progressivement en vigueur. Les entreprises de plus de 500 salariés publieront un rapport en 2025 sur l’année 2024. L’année suivante, ce sera au tour des sociétés de plus de 250 salariés puis les PME européennes et non européennes cotées. À terme, près de 50 000 sociétés seront concernées. 2025 marquera un tournant avec l'application complète des normes, tandis que la période de mise en conformité s'étendra jusqu'en 2027.
Impact de la Durabilité : accompagner les entreprises à mesurer leur chaîne de valeurs
L'accent est sur la sensibilisation. Les CAC doivent informer et préparer les sociétés de leur portefeuille. Une acculturation qui nécessite des échanges avec la direction, le DAF et les responsables RSE et RH est indispensable. Au sein du groupe Exponens, cette phase sera achevée, d'ici avril 2024.
Ainsi, la préparation réalisée, par les CAC, implique bien plus que la simple dimension technique. Il est crucial de faire comprendre aux entreprises l'importance sociétale et le contexte derrière cette nouvelle norme. Expliquer l'impact de la chaîne de valeurs est essentiel pour amorcer une compréhension profonde. Il est impératif d'évaluer l'ensemble de la chaîne de valeurs. Les grands comptes devront solliciter les plus petits pour obtenir ces données, créant ainsi une chaîne interconnectée où tout le monde joue un rôle crucial. La RSE, bien plus vaste que la simple question environnementale, englobe les conditions de travail, l'éthique des affaires, la gouvernance anti-corruption et anti-fraude. Il est essentiel de sensibiliser et de montrer aux entreprises l'importance de ces aspects. Le non-respect de ces nouvelles normes pourrait exclure les entreprises de partenariats ou même affecter leur recrutement selon des critères spécifiques.
Transition RSE, les CAC au cœur de la conformité : véritable révolution pour la profession
La généralisation de l’audit des rapports de durabilité, à la suite de l’entrée en vigueur de la directive CSRD, va permettre d’ouvrir la profession à de nouveaux profils. Ainsi, l’ouverture de la profession à d’autres matières que la comptabilité pourrait devenir son plus important levier d’attractivité.
« Nous devons prendre une part importante dans ce nouveau défi collectif, nous savons à quel point les jeunes étudiants sont sensibles aux questions sociales et environnementales » souligne Nathalie Lutz,
Séduire ces jeunes talents dans le but de diversifier les profils des commissaires aux comptes s’avère particulièrement pertinent dans la perspective de cette nouvelle mission. L’audit des rapports de durabilité renforce l’utilité sociale des commissaires aux comptes, car ces derniers vont contribuer par cette mission aux orientations internationales qui seront prises par les entreprises pour maîtriser, entre autres, le risque climatique. A terme, il faudra qu’un très grand nombre de commissaires aux comptes acquièrent un haut niveau de compétences en matière de durabilité.