Le relèvement de l’âge légal de départ et de la durée de cotisation va directement impacter le niveau des prestations à verser au titre des gratifications d’ancienneté, des indemnités de fin de carrière, des régimes de retraite supplémentaires. Quels sont les impacts comptables à anticiper sur l’indemnité de départ, les provisions et les engagements ? Le point avec Charline Ballot, actuaire de Galea, conseil indépendant des entreprises et des organismes d’assurances dans la gestion de leurs risques et le suivi des régimes de protection sociale.
L’indemnité de départ à verser risque-t-elle d’augmenter ? Pourquoi ?
Oui, c’est probable, de façon mécanique suite au relèvement de l’âge légal de départ. En effet, les barèmes de droits définis par la loi ou dans les conventions collectives applicables aux entreprises ou dans les accords d’entreprises sont souvent croissants en fonction de l’ancienneté et exprimés en mois de salaire.
Quoiqu’il en soit, même dans les cas où le nombre de mois attribué lors du départ est constant, le fait de reporter son départ de deux ans aura probablement un impact sur l’assiette de calcul utilisée qui dépend de la rémunération du salarié.
De la même façon, le décalage de l’âge de départ pourrait avoir un impact sur le montant des gratifications d’ancienneté (médailles du travail), puisque le salarié atteindra une ancienneté de deux ans supérieure à celle qu’il aurait atteinte avant la réforme.
Comment faudra-t-il calculer les provisions ?
Le calcul des provisions devra être adapté en fonction des hypothèses d’âges de départ à la retraite qui étaient retenues avant la réforme.
Ainsi, les entreprises qui se basaient sur une hypothèse de départ à l’âge légal devront la revoir pour la mettre en cohérence avec la situation post-réforme des retraites. Celles qui retenaient une hypothèse d’âge non directement lié à l’âge légal devront vérifier la conformité de leur hypothèse suite à la réforme.
Un arrêté du 5 avril 2023 fait évoluer l’assiette de calcul des indemnités de fin de carrière de la CCN Syntec, qui doit, à compter du 1er mai 2023, inclure les primes.
En fonction des usages en la matière, cette modification pourra avoir des impacts sur la provision comptable. Ces impacts seront à comptabiliser au 30 juin, et pourraient s’élever entre 5 et 15 % des engagements en fonction de la structure de la population des salariés et de la politique de rémunération (part des primes dans la rémunération globale). Un point à intégrer également dès à présent lors du calcul des prestations de retraite à verser.
Quel sera l’impact sur les engagements ?
Les impacts sont variables selon les entreprises en fonction du barème de droits, de la structure de la population et de l’hypothèse d’âge de départ à la retraite retenue. Les premières mesures mettent en avant :
- un effet baissier sur le niveau de l’engagement avec l’application des coefficients de probabilité de versement et d’actualisation ;
- un effet à la hausse ou à la baisse avec l’application de la récente méthode de valorisation de la provision préconisée par l’IFRIC, qui accentue les dotations en fin de carrière.
La loi ayant été promulguée avec une entrée en vigueur dès le 1er septembre de cette année, ses effets devraient être traduits dans les comptes semestriels. Toutefois, selon le seuil de significativité de l’entreprise, le report de comptabilisation au 31 décembre 2023 apparaît acceptable.
Y a-t-il d’autres coûts « cachés » ?
Un autre effet non négligeable de la réforme des retraites est la prévision à la hausse des tarifs de santé et prévoyance collective : « vieillir » la population active augmente mécaniquement le coût de la protection sociale (plus d’arrêts de travail, hausse du risque de décès).
Les RH devront aussi investir sur la formation afin de répondre à l’ensemble des questions des salariés.
Et des opportunités ?
Oui ! Les RH ont désormais accès à une « boîte à outils » bien plus fournie pour accompagner les salariés dans la transition entre vie active et retraite avec le recours possible au temps partiel de fin de carrière, la retraite progressive, le cumul emploi-retraite... des outils très efficaces pour accompagner et fidéliser les salariés.
A surveiller également : au-delà des points évoqués, une attention particulière devra être portée sur les différentes hypothèses utilisées compte tenu du contexte actuel : niveau de l’inflation, évolution du PASS, revalorisation des valeurs de point et d’achat AGIRC-ARRCO, revalorisation des salaires, taux de turnover...