Les biais cognitifs de l’acquéreur lors des opérations de reprise d’entreprise ou de croissance externe (épisode 2)

Création et cession
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Une tribune d’Olivier Meier, professeur des Universités, et Martine Story, fondatrice des cabinets ALTHEO et EVALTEAM.

Nous poursuivons notre analyse des biais cognitifs à l’œuvre lors d’opération d’acquisition par l’étude de deux biais régulièrement observés : le biais de confirmation et l’effet de halo.

Le biais de confirmation consiste à focaliser notre attention sur certains aspects d’un sujet au détriment d’autres dimensions, tout aussi importantes.

Prenons l’exemple de Charles, le dirigeant d’une entreprise de cosmétiques bio, désireux de réaliser une opération de croissance externe, avec pour objectif d’accélérer son implantation à l’international. Charles recherche des cibles ayant déjà une activité à l’export. Son plan stratégique prévoit un ambitieux développement en deux étapes, l’Europe dans un premier temps, puis, l’Amérique du Nord à terme de quelques années ; les Etats-Unis représentant à ses yeux le but ultime de son développement, un véritable graal, qui ferait de son entreprise un acteur de renommée mondiale. Parmi les entreprises cibles, figure la société COSMETA. COSMETA a été fondée et est dirigée par William, qui, d’origine américaine, a créé il y a maintenant cinq ans une filiale sur la côte ouest des Etats-Unis, en Californie. William, proche de la retraite, songe à vendre sa société pour partir s’installer en Floride. Les deux hommes se rencontrent. Charles est immédiatement intéressé par COSMETA qu’il considère comme une précieuse opportunité. Il souhaite faire une offre rapidement. Il est totalement séduit par la présence de l’entreprise aux Etats-Unis. Cette opportunité lui permettrait de gagner plusieurs années sur son plan de développement. Il est conquis, sous le charme, et n’entend pas se faire souffler l’affaire par l’un de ses concurrents. Emporté par son enthousiasme quant à la présence de COSMETA sur le continent nord-américain, Charles néglige certains aspects financiers du dossier et notamment une importante variation du besoin en fonds de roulement qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur la gestion de la trésorerie et le montage financier de l’opération d’acquisition. Son attention est totalement happée par la présence de COSMETA aux Etats-Unis. Il est victime, à son insu, d’un puissant biais de focalisation.

L’effet de halo

L’effet de halo repose sur le principe de psychologie sociale, selon lequel, lorsque nous nous forgeons une impression sur une personne à partir d’un trait de sa personnalité, nous projetons les autres traits de sa personnalité dans le « halo » de cette première impression. Cet effet consiste à faire correspondre la vision des qualités d’un individu à partir d’un attribut particulier. C’est ainsi que les électeurs peuvent juger les candidats sur leur apparence, à l’image des Américains qui élirent le président Harding en 1920. Il avait le physique de l’emploi, grand, mâchoire carrée, il incarnait un président fort et décidé mais son mandat se révélât catastrophique, marqué par de nombreux scandales. C’est ainsi également que des études attestent que la taille d’une personne a un impact sur son salaire. Les hommes de grande taille ont ainsi, statistiquement, un niveau de rémunération plus élevé.

Transposons ce biais à un cas de rachat d’entreprise :

Nathan, repreneur d’une quarantaine d’années, ingénieur de formation, cherche à faire l’acquisition d’une entreprise d’installation électrique, secteur d’activité dont il est issu. Nathan a suivi une formation à la reprise d’entreprise, il est au clair sur son cahier des charges et rencontre des dirigeants de ce secteur d’activité, désireux de céder leur société. Son dernier entretien a lieu avec Jean, le dirigeant d’une entreprise spécialisée dans l’installation électrique de sites industriels. Jean consacre plus de trois heures à un premier échange avec Nathan, pour lui présenter en détail l’entreprise et ses perspectives de développement. Il est également clair sur son projet et son calendrier de cession. C’est très rassurant pour Nathan. Rapidement, Nathan apprend que Jean et lui ont fait la même école d’ingénieur. Cela renforce bien sûr la qualité de leurs échanges. Nathan est également séduit par le charisme de Jean. Enfin, au cours de la conversation, Nathan découvre fortuitement que Jean et lui partagent une passion commune pour le ski de randonnée et qu’ils fréquentent la même station de sports d’hiver. Nathan est sous le charme, convaincu qu’il incarne aux yeux du cédant, le repreneur idéal et qu’il vient de rencontrer le dirigeant de sa future entreprise. Nathan est en confiance, tous les indicateurs de la relation sont au vert. Dans le halo de cette bonne impression et de la qualité de leur relation, le repreneur est tenté de baisser la garde sur certains aspects techniques du dossier, et de se reposer totalement sur les déclarations du cédant. Ce serait une erreur mortifère. Et c’est en l’occurrence son conseil acheteur qui incite Nathan à ne négliger aucun aspect des audits sous prétexte qu’il est en confiance avec le cédant. C’est lui également qui apporte de la rationalité au processus d’acquisition pour empêcher Nathan de tomber sous l’emprise potentielle du cédant et échapper à s’extraire d’un biais de halo dont il n’a pas nécessairement conscience.