Il revient de loin, entre les hésitations gouvernementales de dernière minute, mais le prélèvement à la source est finalement maintenu au 1er janvier 2019. Nous avons interrogé à ce sujet le Président de l’Ordre des experts-comptables de Paris Laurent Benoudiz qui s’intéresse de près à ce nouveau dispositif de collecte de l’impôt.
L’information est tombée au journal de 20h sur TF1 mardi 4 septembre 2018 dans la bouche du Premier ministre Edouard Philippe : « Je vous confirme qu'au 1er janvier 2019, l'impôt sur le revenu sera prélevé à la source, nous avons travaillé d'arrache-pied depuis plusieurs mois pour faire en sorte que cela soit possible. »
Le chef de l’Etat avait confié il y a plusieurs jours ses hésitations à ce sujet, des doutes largement relayés dans les médias. Le Président de l’Ordre des experts-comptables de Paris Laurent Benoudiz, interrogé par le Monde du Chiffre dans la journée du 4 septembre lors des Universités d'été de la profession comptable, avait lui-même commenté : « Des échanges que j’ai pu avoir avec la DGFIP, j’ai du mal à imaginer qu’il puisse y avoir un problème technique. On est seulement en train de s’interroger sur les effets psychologiques de la mise en œuvre du prélèvement à la source. Très honnêtement, cela me semble un peu tardif pour se poser la question de savoir si c’est une bonne idée. »
« La réforme porte sur un sujet principal qui est la contemporanéité de l’impôt »
Aujourd’hui, le dispositif est officiellement maintenu. Et le Président Benoudiz s’en réjouit probablement. Selon lui, le prélèvement à la source est un mécanisme opportun car il rend possible la contemporanéité de l’impôt : « La modalité de perception fiscale qu’est le prélèvement à la source est l’arbre qui cache la forêt. En réalité, la réforme porte sur un sujet principal qui est la contemporanéité de l’impôt, c’est-à-dire que les impôts seront acquittés la même année que celle de la perception du revenu. »
Une solution particulièrement intéressante pour gérer les écarts de revenus d’une année sur l’autre selon Laurent Benoudiz. Imaginons un chef d’entreprise dont la structure a réalisé un chiffre d’affaires conséquent l’année précédente mais qui connaît aujourd’hui de fortes difficultés financières. Dans le système actuel, l’entreprise devra en plus s’acquitter d’un impôt important lié au chiffre de l’exercice précédent… « J’ai eu des clients qui se sont ainsi retrouvés dans des situations dramatiques ! » commente le Président de l’OEC Paris IDF. A contrario, le prélèvement à la source propose avec la contemporanéité de l’impôt « une très grande souplesse et un énorme avantage ».
« 75 milliards rendus au patrimoine des français ! »
Ce dispositif d'imposition présente également un intérêt conjoncturel selon Laurent Benoudiz : « En 2018, nous avons une année fiscale blanche. Le gouvernement, l’administration ont décidé de ne pas s’exprimer sur ce point. Ils parlent d’année de transition et non pas d’année blanche. Mais si vous lisez les documents rédigés par la DGFIP, le CIMR – c’est-à-dire le crédit d’impôt modernisation du recouvrement – qui va annuler l’impôt de 2018, représente 75 milliards d’euros de budget : 75 milliards rendus au patrimoine des français ! »
Peut-être une des raisons à l’origine des hésitations de dernière minute du Président de la République…
Hugues Robert