Prélèvement à la source : quels risques juridiques pour les entreprises ?

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alexandre adrianUne tribune de Me Alexandre Adrian, Avocat Directeur chez Cornet Vincent Ségurel.

Avec humour, Jean Yanne disait : « J’ai déjà essayé de payer mes impôts avec le sourire, ils préfèrent un chèque. » A compter du 1er janvier 2019, il n’y aura ni sourire ni chèque : l’impôt sera prélevé sur le salaire et reversé sur virement par l’employeur, désigné volontaire malgré lui comme collecteur de l’impôt pour l’Etat.

Le prélèvement à la source, vieux serpent de mer après une brève existence de 1939 à 1948, fait donc sa réapparition à l’occasion d’une réforme loin de la simplicité promise. Le législateur a exclu de la réforme certains revenus et mis en place un double système d’acompte mensuel lorsqu’il n’existe pas de « collecteur » et de prélèvement à la source lorsqu’il en existe. C’est le cas de l’employeur.

Pas de révolution culturelle cependant : le prélèvement à la source s’intègre aux outils déjà largement utilisés par les entreprises (la déclaration sociale nominative ou DSN et le portail PASRAU).

Ceux qui ne seront pas prêts à temps s’exposeront à des sanctions : 10 % des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, voire 40 % après mise en demeure par l’administration. L’impôt devra être reversé à l’Etat, toujours via la DSN, le mois suivant, avec une possibilité pour les entreprises de moins de 11 salariés d’opter pour un reversement trimestriel.

Attention en cas de défaillance : les sanctions vont de 5 à 80 % et dans les cas les plus graves, l’employeur s’expose à des poursuites pénales. L’employeur qui utilise l’impôt de ses salariés pour « faire de la trésorerie » est prévenu !

On peut espérer cependant qu’aucune sanction ne sera appliquée en cas de simple bug, alors que vient d’être votée la loi pour un Etat au service d’une société de confiance.

Le rôle de l’employeur s’arrête là. Il n’a aucune faculté d’initiative et toute modification de la situation fiscale du salarié relève de sa relation exclusive avec l’administration. Gageons cependant que la réforme provoquera quelques malaises dans la relation entre employeur et employé. Pour ce dernier, la confidentialité passe par le choix d’un taux neutre qui présente l’inconvénient de le contraindre à verser chaque mois un complément d’impôt si le prélèvement à la source est insuffisant, ou à faire l’avance de l’impôt jusqu’à l’année suivante s’il est trop important ! Or, le taux « normal » déterminé par l’administration dévoile en partie la situation du contribuable si ce taux est plus important que celui qui serait applicable au seul salaire : il devient alors vraisemblable que l’employé dispose d’autres revenus par ailleurs. Il reste à espérer que l’employeur ne fera pas usage de cette information, par exemple lors d’une discussion relative à une augmentation du salarié. Pour l’en décourager, le législateur a prévu des sanctions pénales allant jusqu’à 300 000 euros d’amende et cinq ans d’emprisonnement.

L’employeur prend la fonction d’agent collecteur, la rémunération en moins et la responsabilité en plus. Les fonctionnaires pourront se consacrer aux contrôles fiscaux…

Me Alexandre Adrian, Avocat Directeur chez Cornet Vincent Ségurel

Photographie : Ulrich Chofflet

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