Une tribune de Jean-Philippe Michel, Consultant AMOA SI FINANCE, Niji.
A compter de janvier 2026, et selon un calendrier d’entrée en vigueur progressif qui démarrera au 1er juillet 2024, toutes les entreprises - quelle que soit leur taille - devront impérativement recevoir et émettre des factures sous forme électronique. Loin de se cantonner à un simple PDF adressé par mail, la réforme de la facture électronique entend encadrer non seulement la forme de cette dernière (format électronique et contenus), mais également son mode de transmission. Les entreprises devront en effet s’adosser à des plateformes de dématérialisation (le portail public de facturation ou des plateformes partenaires) pour les émettre et les recevoir. Si elle ambitionne d’améliorer la compétitivité des entreprises en réduisant les coûts de traitement des factures et en simplifiant (autant qu’en contrôlant) les démarches de déclaration de TVA, cette nouvelle obligation représente néanmoins un bouleversement important pour les entreprises, notamment les petites, en impactant autant leurs systèmes d’information que leurs métiers et organisations de travail.
L’urgence de connaître et comprendre la réforme et ses impacts techniques...
Or, à 18 mois de la première échéance du calendrier, il apparait que près d’un quart des entreprises n’ont toujours aucune connaissance de ce dernier, et le taux d’équipement stagne à 70 % (un tiers des entreprises françaises n’ayant pas entamé leur processus de dématérialisation). Pourtant, la compréhension des enjeux de cette réforme est aujourd’hui plus que jamais urgente pour nombre d’entreprises françaises qui vont devoir se mettre en conformité dans les prochains mois. Et pour cause, le chantier s’avère complexe ! Il faut bien avoir en tête que quatre types de flux d’information transiteront via les plateformes de dématérialisation : la facturation, le reporting, l’annuaire permettant d’identifier la plateforme choisie pour chaque destinataire, mais également le cycle de vie de chaque facture. Loin de devoir donc simplement organiser l’envoi d’une facture via une plateforme intermédiaire, les entreprises doivent considérer ce changement de manière hautement stratégique : quel impact sur les process financiers ? quel impact sur le système d’information ? quel choix de plateforme ? pour quels services ? quels tarifs ? quels fournisseurs ?...
… comme d’interroger et repenser son organisation !
Une stratégie qui implique donc de regarder avec précision non seulement l’état de ses systèmes d’informations, mais aussi et surtout l’organisation de ses services back office et financiers. En effet, la réforme et les nouvelles contraintes qu’elle implique, vont impacter l’entreprise à quatre niveaux, avec autant de chantiers de restructuration à prévoir à savoir :
- définir de nouveaux référentiels maîtres pour orchestrer et sécuriser les échanges avec les clients et les fournisseurs sur ces plateformes, et les personnes en charge du contrôle des données afférentes, de leur conformité et de leur qualité ;
- repenser totalement ses process de facturation : mise en place d’une chaîne en temps réel et continu (avec accélération des échanges de données), suivi de la trésorerie et des besoins en trésorerie afin d’éviter toute pénalité relative aux délais de règlement, limitation des régularisations obligeant à la création de nouvelles commandes... ;
- transformer leur politique d’achat : comprendre la politique de vente des fournisseurs, respecter la politique d’achat et toutes les contraintes liées au référencement des fournisseurs, à l’engagement de dépenses, aux délais de paiement... ;
- et enfin, formaliser et actualiser les fiches de postes concernées par la mise en place des nouveaux process de ventes et d’achats, et les former à la prise en main des plateformes choisies.
En somme, les entreprises ne peuvent aujourd’hui plus faire l’économie d’une analyse approfondie non seulement de leurs process de facturation, mais également des postes qui y sont engagés, afin d’anticiper au mieux un réajustement de leurs missions vers des tâches apportant une autre valeur à l’entreprise. Car, des outils aux humains, la réforme prévoit de lancer un peu plus les entreprises sur le chemin de la dématérialisation, sans exception et sans délai.