Tribune de Lionnel Delaunay, consultant en excellence opérationnelle, transformation digitale et efficacité énergétique.
La question énergétique constitue l’un des grands défis globaux que les entreprises industrielles vont devoir relever dans les mois et les années à venir. De l’industrie au retail, sans oublier la logistique, c’est l’ensemble des processus des organisations qui est actuellement mis en demeure de muter, en lien avec les nouvelles normes et obligations de reporting ESG (environnementale, sociale et de gouvernance) initiées par la dynamique de décarbonation de la COP26 (CSRD, Corporate Sustainability Reporting Directive). Celles-ci obligent les organisations à s’engager dans le Data Management, c’est-à-dire à se réinventer fortement.
Directive CSRD : 50 000 entreprises impactées
Afin de bien comprendre le virage qui doit actuellement être pris par les entreprises, il convient de rappeler ce que sont ces normes issues de la CSRD. Technique, cette dernière émane de la Commission européenne et a été publiée le 16 décembre 2022 au Journal Officiel de l’UE. Soutenant le « Pacte vert », la CSRD se caractérise par une ambition de durabilité forte : la réduction d’au moins 55% des émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030, par rapport à 1990. Décidée lors de la COP26 de 2021, la démarche pose ainsi des objectifs de décarbonation et de pilotage énergétique qui touche 50 000 entreprises à l’échelle continentale. Cette obligation légale doit être adoptée par les organisations dès l’année 2024, et ce jusqu’à 2030. Elle comprend 12 reportings obligatoires, dont les plus importants concernent l’environnement et la partie sociale.
Évaluer les actions « vertes » : la data comme indicateur
Ces reportings sont loin d’être neutres pour les entreprises. Ils obligent ces dernières à engager une démarche profonde de Data Management. Au-delà du Big Data, l’enjeu consiste ici à être en capacité d’établir des rapports complets au sein desquels les données jouent un rôle central d’indicateurs et de preuves. Il s’agit par exemple d’identifier en les chiffrant les leviers de décarbonation de l’entreprise. Il convient également d’établir la liste exhaustive des actions clés engagées en faveur de cette transition. Il s’agit encore d’évaluer qualitativement et quantitativement les émissions générées lors des déplacements professionnels des collaborateurs, de comptabiliser les montants investis, de communiquer sur la dimension sociale de cette transition « verte » … Le défi est de taille, notamment parce qu’il oblige à rassembler des données issues de deux grandes catégories de technologies, l’IT (Information technology) et l’OT (Operational Technology).
Être en capacité d’éliminer les silos de données de l’entreprise
Dans un tel contexte, la capacité de l’entreprise à rassembler une data nécessairement éparpillée et hétérogène est une clé majeure, tout comme, celle qui consiste à la synthétiser. L’efficacité énergétique oblige désormais les acteurs économiques à « dé-siloter » leur vision ainsi que leurs pratiques effectives. Confrontées à des univers pluriels où les applications comme les logiciels sont très divers, les entreprises sont mises en demeure de rassembler au sein d’une même matrice des applications qui servent par exemple à évaluer les horaires des salariés, à les rémunérer (logiciels de paie), à calculer leurs frais kilométriques, à jauger de l’efficacité de la production, à établir les ordres de celle-ci, etc. Elles doivent être en capacité de dire : voici ce que je produis en globalité, voici ce que les collaborateurs génèrent en C02, voici quelle est ma production, qui sont mes sous-traitants et en quoi ceux-ci s’inscrivent également dans le Pacte Vert de la CSRD.
Elles doivent encore actionner et réduire toutes les consommations qui entourent l’intégralité du processus de fabrication. Nous sommes bel et bien face à un défi majeur, celui d’une empreinte carbone globale et mesurée.
Face à de tels enjeux, les industriels ne sont pas seuls. Des solutions technologiques existent afin de collecter l’intégralité des données de l’entreprise en les rassemblant par exemple dans un Data Lake, c’est-à-dire un « lac de données » qui contient des données de manière non structurée, sans hiérarchie. Cette technologie poussée permet de créer des workflows qui concilient toutes les données nécessaires (données RH, Production, data énergétique, taux de rendement global, taux de rendement économique, factures énergétiques…), et finalement rapprochent les univers de l’IT et de l’OT.
Grâce à ce type technologie, la data est plus facilement collectée, agrégée, analysée et désormais filtrée, ce qui permet à l’organisation de satisfaire non seulement à la directive européenne, mais également d’orienter plus efficacement ses consommations et ainsi de pouvoir lutter contre les fluctuations actuelles des coûts de l’énergie.
Et au-delà des obligations CSRD de l’Union Européenne, la bataille pour la synthétisation des données permet déjà à certaines entreprises de réaliser des économies d’énergie de l’ordre de 20 à 30% dans certains secteurs industriels.
Un argument pragmatique, de plus en plus connu par les équipes de direction, et qui les pousse de plus en plus à réinventer le management de leurs données.