Un expert-comptable, n'ayant pas constaté l'absence de provisionnement des dettes d'une société en litige avec deux de ses fournisseurs, n'est pas responsable de l'impossibilité pour ces derniers de recouvrer leurs créances.
Une SARL, dirigée par deux époux, a conclu des contrats de franchise avec deux sociétés.
Un tribunal de commerce a condamné la SARL à payer une certaine somme à ces deux sociétés en réparation d'une rupture contractuelle fautive.
Par la suite, l'assemblée générale de la SARL a décidé une réduction de son capital social par rachat des parts détenues par une société holding, et opéré une compensation entre la dette de la SARL envers la holding.
Soutenant que les deux époux avaient diminué l'actif de la SARL en fraude à leurs droits, qu'ils avaient commis une faute détachable de leurs fonctions de gérants et que la société d'expert-comptable avait commis une faute engageant sa responsabilité, les deux sociétés ont assigné les époux en inopposabilité du paiement de la créance de la SARL à l'égard de la holding.
La cour d'appel d'Agen, dans un arrêt rendu le 17 janvier 2022, a jugé que la fraude litigieuse constitue une faute intentionnelle qui engage la responsabilité des époux et les a condamnés, in solidum avec la société d'expert-comptable, à payer une certaine somme.
La Cour de cassation, par un arrêt du 10 juillet 2024 (pourvoi n° 22-13.423), casse l'arrêt d'appel.
Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
En l'espèce, l'expert-comptable s'était contenté de constater et de mentionner dans le bilan de l'exercice 2012 de la SARL que cette société était en contentieux avec son principal fournisseur et qu'aucune provision n'avait été constatée.
Cependant, contrairement à ce qu'a estimé la cour d'appel, l'absence de provisionnement constaté par l'expert-comptable, dans les comptes de l'exercice 2012, des dettes de la SARL résultant du contentieux, n'était pas à l'origine de l'impossibilité, pour les deux sociétés requérantes, de recouvrer les créances qu'elles détenaient sur la SARL, qui avait été mise en liquidation judiciaire.
La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel.