Recueillant les témoignages d'une quinzaine de décideurs, BDO France a réalisé pour l'Institut Choiseul un rapport visant à offrir une perspective pratique et stratégique sur la manière dont les entreprises peuvent aborder la CSRD et en tirer parti pour renforcer leur performance durable tout en répondant aux attentes croissantes des parties prenantes. Le Monde du Chiffre a décidé de retranscrire ici la préface du rapport écrite par Fabrice Bonnifet, directeur développement durable & Qualité, Sécurité, Environnement du groupe Bouygues et président du C3D (Collège des Directeurs du Développement Durable).
Comme pour toutes les nouvelles « normes », la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) n’échappe pas aux critiques des partisans du « c’était mieux avant ». Autrement dit, « avant… que l’on nous impose un nouveau cadre de reporting contraignant ». Si nul ne conteste l’excès de zèle bureaucratique dans lequel la régulation se perd parfois, il serait injuste de classer la CSRD dans la catégorie des exigences non essentielles.
Si la CSRD a été inventée, c’est parce que la manière dont les entreprises créent la valeur économique n’est clairement pas compatible avec les limites planétaires. Contester cette évidence, c’est refuser d’accepter la réalité des faits scientifiques. Et lorsqu’on demande à ceux qui la critiquent comment nous pourrions faire autrement pour produire sans polluer, le vide sidéral s’installe ou le « laissons le marché s’autoréguler » finit par surgir, comme si ce dernier pouvait avoir la solution au problème qu’il a lui-même généré.
La CSRD porte mal son nom. Ce n’est pas qu’une norme de reporting, c’est un guide basé sur une analyse des risques et des opportunités, dans le but de transformer les modèles d’affaires. D’ailleurs, les trois quarts des informations requises ne sont pas d’ordre quantitatives mais qualitatives. Les entreprises vont devoir expliquer dans leurs
stratégies, comment elles comptent intégrer leurs enjeux, en double matérialité, identifiés avec leurs parties prenantes.
Le but du législateur est de contraindre les entreprises à mettre en œuvre des moyens financiers et humains pour transformer leurs modèles d’affaires et démontrer par des indicateurs pertinents que les trajectoires et les cibles que les entreprises se fixent sont respectées. Le point clé de cette nouvelle régulation est évidemment la notion de double matérialité qui oblige les entreprises à admettre qu’elles ont des impacts positifs mais aussi négatifs sur l’environnement et, dans certains cas, sur la composante sociale, dès lors qu’elles maîtrisent insuffisamment leur « devoir de vigilance ». C’est en cela que la CSRD pourrait changer la donne, car elle devrait inciter les entreprises à sortir de la posture traditionnelle qui consiste à considérer l’environnement comme une simple variable d’ajustement du business.
Nous verrons à l’usage. Il est encore trop tôt d’une part, pour apprécier la capacité réelle de la CSRD à accompagner les entreprises vers la durabilité de leurs modèles économiques et d’autre part, pour évaluer comment les administrateurs vont considérer leurs responsabilités dans les arbitrages qui ne manqueront pas de survenir. En effet, l’enjeu principal de cette régulation est bien, in fine, de flécher l’économie vers des activités qui devront répondre aux besoins et attentes des populations, sans altérer le bien commun. Aujourd’hui, peu d’entreprises peuvent prétendre répondre positivement à ces deux injonctions.