La DFCG (association des directeurs financiers et de contrôle de gestion) a récemment publié un cahier technique intitulé « Quelle finance 4.0 pour les directions financières ? » qui analyse les apports des nouvelles technologies à la fonction finance. Frédéric Doche, Co-Président du groupe Contrôle de gestion de la DFCG, revient sur le contenu de cet ouvrage.
Pourquoi ce cahier technique sur la « finance 4.0 » ?
L'origine du cahier technique est de répondre à un certain nombre d'interrogations de nos membres sur les sujets nouvelles technologies et innovation que sont l'intelligence artificielle, le big data ou encore, la RPA.
Ces sujets innovants sont utilisés dans un certain nombre de cas par les directions financières, mais ne sont pas encore entièrement généralisés. Le big data est plutôt mobilisé par les directions commerciales ou marketing. Il pourrait l’être davantage par les directions financières. L’intelligence artificielle opère dans un certain nombre d’algorithmes, mais encore peu souvent. Et la RPA progresse, notamment dans les centres de services partagés, mais encore lentement.
L’idée est donc de proposer un partage, un échange d’informations sur ces sujets vis-à-vis de nos membres. Un groupe de travail de 17 personnes a été piloté en ce sens par Annick Delhon-Bugard, Antoine Vanheuverswyn et moi-même. C’est le deuxième cahier technique que l’on propose et d’autres publications suivront.
L’ouvrage analyse l’impact des nouvelles technologies sur la fonction finance à travers trois piliers. Le premier est l’automatisation intelligente des processus financiers. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Ce premier pilier traite de l’utilisation des nouvelles technologies pour améliorer la performance de la direction financière elle-même, afin d’être plus efficace et moins coûteuse. On y retrouve effectivement l’automatisation intelligente des processus, notamment le recours à la robotisation ou à des outils de RPA.
Cette partie traite également des instruments d’analyse ou de génération de langage naturel. Certains programmes sont en effet capables de générer, à partir d’informations chiffrées et structurées, des reportings en langage naturel de manière sophistiquée.
Le second pilier montre comment la direction financière peut apporter davantage de valeur à l’entreprise, notamment grâce à la data visualisation et aux techniques d’analytique prédictive…
Oui, la direction financière a par essence un rôle de constitution d’indicateurs, financiers et non financiers. La BI, l’analytique constituent donc un de ses fondements, en particulier pour le contrôle de gestion. Sur ces aspects, on voit apparaître aujourd’hui des outils avancés. C’est pour cela que nous parlons d’« analytique avancée » dans le cahier technique.
La data visualisation est la capacité à saisir des données de détail pour les exposer sous une forme visuelle, permettant d’en faciliter l’appréhension par les opérationnels ou le management. Ce domaine connaît actuellement d’importants progrès.
On voit également apparaître de plus en plus d’outils liés au prédictif. Ce sera par exemple la capacité, à partir des données du passé et d’informations actuelles et futures, à prédire un budget des ventes, de manière très pertinente. Il s’agit là d’un changement fondamental. C’est pour cela que l’on a parlé de « révolution » pour les directions financières. Car celles-ci passent énormément de temps aujourd’hui à l’élaboration des budgets.
Puis, au-delà du prédictif, l’étape suivante est ce que l’on appelle le prescriptif, c’est-à-dire la capacité à prescrire une solution. Il s’agit là d’un élément fondamental de valeur ajoutée. Mais pour cela, il faut avoir des données, il faut les structurer et disposer des outils et algorithmes nécessaires.
Enfin, le troisième pilier traite de l’optimisation du contrôle interne et du pilotage des risques dans l’entreprise grâce aux technologies d’intelligence artificielle. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ?
Le contrôle interne et le pilotage des risques sont souvent effectués à l’heure actuelle par des analyses plus ou moins automatisées, mais souvent partielles. Un audit exhaustif serait bien trop coûteux, donc on procède par échantillonnage. Mais le recours à l’IA dans ces domaines permet d’adresser l’ensemble des données de l’entreprise. L’intelligence artificielle est en effet à même de détecter des patterns anormaux et ainsi des fraudes de manière automatique. L’utilisation de cette technologie est essentielle pour améliorer ce que nous appelons le « contrôle interne augmenté ».
Le second sujet est celui de la cybersécurité. Le fait de manipuler de plus en plus de données, d’être ouverte et connectée, fait courir à l’entreprise des risques en la matière. Le recours à l’IA est alors une manière de maîtriser ce risque, concomitant à la transformation digitale.
Un dernier mot ?
Je vais terminer sur quelques chiffres sortis en avant-première de l'Observatoire international du manager de la performance, une étude menée en partenariat par la DFCG et Décision Performance Conseil, dont les résultats sont publiés chaque année lors du congrès Financium.
Tout d’abord, concernant les données, il est ressorti – et c’est un changement fondamental – que 91 % de nos répondants mettent le big data et l’utilisation des données comme la priorité numéro une du contrôle de gestion et de la direction financière dans leur entreprise.
Ensuite, sur l’utilisation des nouvelles technologies, et plus précisément en matière de BI avancée, de data visualisation et de RPA, ce sont respectivement 57 %, 48 % et 43 % de nos répondants qui planifient des projets dans ces domaines sur les deux ans à venir. Il y a donc une vraie volonté de se doter de tels outils.
Propos recueillis par Hugues Robert