Pierre Warin, Associé Fondateur du cabinet Melville Avocats, fait le point sur les conséquences potentielles des erreurs et fraudes au dispositif dérogatoire d’activité partielle.
Comment distinguer l'erreur de la fraude ?
Sur toutes ces obligations, ce qui va distinguer l'erreur de la fraude est avant tout la notion de bonne foi.
La distinction se fera au cas par cas en fonction des éléments de fait et d'un faisceau d'indices. Concrètement, il sera recherché si l'erreur est en faveur ou défaveur de l'entreprise, si elle porte sur des règles propres au dispositif que l’entreprise n’est pas censée parfaitement maîtriser ou s'il s'agit d'inexactitudes qui portent sur l’activité ou les salariés de l'entreprise elle-même, qu'elle ne pouvait ignorer. Enfin, sera pris en compte le volume et la récurrence des écarts constatés.
La qualification en simple erreur matérielle ou en fraude va avoir une incidence sur le règlement de la situation. L'erreur matérielle donnera lieu à régularisation, qui pourra en principe être opérée sur une base volontaire et sans pénalité, dans le cadre de ce que l'on appelle le droit à l'erreur.
Quelles sont les sanctions en cas de fraude ?
Bien que ne constituant pas une sanction au sens strict mais néanmoins défavorable à l'entreprise, est la mesure de retrait de l'autorisation de mise en activité partielle, qui peut intervenir dans un délai de quatre mois à compter de l'autorisation expresse ou implicite, lorsqu'il apparaît que les conditions légales n'étaient pas réunies. La conséquence de ce retrait est la nullité des demandes d’indemnisation prises en application de ladite décision retirée et par conséquent, le remboursement par l’employeur des sommes déjà perçues sur le fondement de l’autorisation qui lui a été retirée.
Une autre mesure défavorable est le retrait de la décision d’indemnisation, qui va entraîner une obligation de restitution des sommes perçues par l'employeur ou l’empêcher de percevoir les remboursements attendus sur la base de l'autorisation qu'il avait obtenue. Ce type de retrait pourra s'appliquer en cas de fraude ou s'il apparaît que les conditions du droit à indemnisation n’existaient pas ou n’ont pas été respectées.
Les sanctions administratives, constatées par procès-verbal, sont l'exclusion de l’accès à certaines aides publiques pour cinq ans maximum – dont l’aide demandée au titre de l’activité partielle – et le remboursement des aides publiques accordées dans les douze mois précédant l'établissement du procès-verbal.
Les sanctions pénales de fraude à l’activité partielle et de travail dissimulé peuvent trouver à s'appliquer lorsqu'un employeur a fait travailler ses salariés pendant les heures supposément chômées au titre de l’activité partielle, alors même qu'il réclame pour ces heures une indemnisation de la part de l’État. Les infractions de fraude et de travail dissimulé peuvent donner lieu à des peines pouvant aller respectivement jusqu'à deux et trois ans d’emprisonnement pour le dirigeant personne physique et jusqu'à 30 000 et 45 000 euros d'amende.
De plus, l'indemnisation versée aux salariés n'est pas assujettie aux cotisations sociales de droit commun, mise à part la CSG-CRDS dans des conditions spécifiques, ce qui peut également générer des redressements et pénalités de la part de l’Urssaf.
Les salariés disposent-ils d'une possibilité d’agir devant le conseil des prud'hommes ?
Le salarié se plaignant de la perte de rémunération résultant d’une activité partielle pendant laquelle il a dû travailler peut agir devant le conseil des prud'hommes et demander le rappel de salaire avec intérêts de retard, dans un délai de trois ans. Il peut également réclamer le versement de dommages et intérêts, à condition de démontrer le préjudice subi au-delà de la seule perte de rémunération. Enfin, si la dissimulation d'heures de travail s'est accompagnée d'une rupture du contrat de travail, il peut demander, sous certaines conditions, une indemnisation forfaitaire pour travail dissimulé, à hauteur de six mois de salaire.
Dernière action qui semble avoir peu de chances d'aboutir sur le seul fondement d’une activité partielle irrégulière, qui ne semble pas suffire à empêcher la poursuite du contrat de travail, mais qui peut contribuer à caractériser de tels manquements s’il en existe d’autres : l'action en prise d'acte ou en résiliation judiciaire du contrat de travail. Cependant, dans une période où on s'attend à une recrudescence du chômage, on voit mal les juges être particulièrement attentifs à ces demandes de rupture indemnisée.
Propos recueillis par Anne Claire Della Porta
Pour approfondir le renforcement des contrôles des entreprises bénéficiaires du dispositif dérogatoire d’activité partielle, consulter l'interview parue sur le Monde du Droit : Pierre Warin sur le dispositif dérogatoire de l’activité partielle : « La contrepartie de sa rapidité d’accès et son assouplissement est le contrôle a posteriori »