Entretien avec Céline Dargent, expert-comptable et commissaire aux comptes associée, Sadec Akelys.
Après le premier confinement du printemps 2020 qui a empêché les boutiques de vider leurs stocks, les commerçants se sont retrouvés avec un nombre inhabituel d’invendus. Une situation inédite qui a encore été aggravée par le deuxième puis troisième confinement.
A travers un décret du 14 mai 2021, une aide aux stocks a été versée automatiquement le 25 mai dernier. Pour qui ? Pour quoi ? Tout commerçant ayant bénéficié du fonds de solidarité de novembre a reçu l’aide équivalente à 80 % de ce même fonds, soit au maximum 8 000 euros. Pour en bénéficier, aucune démarche à effectuer, l’aide était automatiquement versée selon le code APE 47 attribué par l’Insee selon l’activité de la boutique, le chiffre 47 correspondant au commerce de détail.
Tous les commerçants sont-ils logés à la même enseigne ?
Non. Et c’est bien là le problème car post-confinement on note des disparités parmi les commerces selon trois grandes typologies de bilans post-Covid. Ceux qui ont fait de la crise une opportunité et ont su digitaliser leur offre en misant sur les réseaux sociaux et qui ont connu un grand succès, renforcé par le click and collect. Ceux qui ont bénéficié d’un effet d’aubaine, les boutiques avec beaucoup de passage par exemple, situées en centre-ville, elles ont pu tirer leur épingle du jeu grâce à leur visibilité et à la mise en place du click and collect voire à l’organisation de rendez-vous privés pour venir retirer des articles. Ces derniers ont réussi à plus ou moins stabiliser leur chiffre d’affaires. Enfin, ceux qui au contraire ont tout perdu à cause de l’impossibilité de recevoir du public en boutique physique ou de mettre en place de la vente à distance, c’est notamment le cas des vendeurs sur les marchés. Cependant, quoi qu’il en soit, une grande majorité des commerçants ont perdu jusqu’à dix points de marges.
Et pour les commerçants qui possèdent plusieurs boutiques ou pour les grands magasins ?
Certains commerçants sont propriétaires de plusieurs boutiques et peuvent avoir jusqu’à 800 000 euros ou plus de stocks, pourtant ils ne toucheront pas plus de 8 000 euros. Enfin, les grandes enseignes qui génèrent plus d'un million d’euros de CA par mois n’ont pas le droit à l’aide aux stocks car elles bénéficient déjà de l’aide au coût fixe basée sur le résultat d’exploitation.
Pourquoi avoir recours à un expert-comptable dans ces situations ?
La valeur ajoutée de l'expert-comptable dans cette situation précise de l'aide aux stocks a bien été de nous assurer que tous les clients qui pouvaient en bénéficier ont pu réellement l'obtenir. Les textes de loi avaient déjà tellement changé pour les fonds de solidarité que certains clients n'avaient même pas fait la demande. Le cabinet a donc contacté chacun des clients concernés pour les inciter à faire les démarches pour bénéficier du fonds en novembre. Enfin, pour les clients vendeurs sur le marché, le code APE désignant cette activité n'est pas le même que celui affilié au commerce de détail et de fait, ils ne peuvent prétendre à l'aide aux stocks. Le rôle du cabinet dans ce cas de figure est d'accompagner ce type de client : lettres aux impôts pour expliquer la situation par exemple, mais aussi demande de changement de ce fameux code APE.
Notre rôle est aussi d'anticiper car si certains ont d'abord refusé de recevoir le fonds de solidarité, estimant leur situation non critique, nous sommes intervenus pour leur rappeler également que cette aide, si elle ne leur était pas forcément utile tout de suite, le serait sans doute un peu plus tard pour payer l'Urssaf par exemple, avec une trésorerie en berne.