Xerfi vient de publier une étude sous le titre : « Incubateurs, accélérateurs et start-up studios : le temps de la structuration - Nouveaux modèles, regroupements et professionnalisation : quelles perspectives pour les structures d’accompagnement ? » Trois questions à son auteur Nicolas Le Corre, Directeur d’études chez Xerfi.
Comment les structures d’accompagnement de startups ont-elles résisté à la crise ?
La crise a touché l’ensemble des quelques 450 structures d’accompagnement de la douzaine de milliers de startups que nous avons recensées en France. Mais les conséquences ont été différentes selon le modèle considéré. Les accélérateurs privés et les start-up studios ont ainsi réussi à tirer leur épingle du jeu en raison d’un modèle surtout fondé sur l’accompagnement et le financement des jeunes pousses. Grâce à leurs activités d’investisseurs, ces deux types d’acteurs ont de fait bien résisté même si leurs activités de diversification (formation, conseil, événementiel…) ont pâti des mesures sanitaires et des restrictions budgétaires des entreprises.
En réalité, ce sont les modèles les plus dépendants de l’immobilier qui ont souffert de la crise, à savoir les incubateurs et les campus de startups. Avec le passage massif en télétravail, les locaux ont en effet été désertés, à l’image de Station F qui s’est pratiquement vidé de ses 3 500 occupants lors du premier confinement. Dans ce contexte, les revenus locatifs de ces structures ont sérieusement fondu. Ces dernières ont également perdu des revenus avec l’événementiel à l’arrêt même si elles ont pu compter sur les ressources de leurs commanditaires ou de leurs actionnaires respectifs pour encaisser le choc. A titre d’exemple, The Family a fermé ses locaux pour passer à 100 % en ligne, se séparant de la moitié de ses effectifs.
Les grandes tendances à l’œuvre dans le secteur sont-elles modifiées par le nouvel environnement ?
La France est un pays singulier dans la mesure où les structures d’accompagnement sont arrivées avant les grandes success stories. Le rôle de l’Etat est en effet crucial entre la création des incubateurs « Allègre » au début des années 2000 ou la French Tech aujourd’hui mais aussi l’activité de Bpifrance dans le capital-investissement. Sans oublier les initiatives des grands groupes en la matière. Il faut également mentionner le projet Station F, porté par Xavier Niel, qui a apporté une visibilité importante à l’écosystème.
Malgré le discours autour de la « start-up nation », les plus critiques font valoir que l’Hexagone compte proportionnellement peu de licornes (startups valorisées à un milliard de dollars à l’occasion d’une levée de fonds), un nombre proportionnellement modeste face à des pays comme le Royaume-Uni, Israël, la Corée du Sud ou encore l’Estonie. Si ce critère n’est pas forcément le plus pertinent, il faut admettre que cela reflète la difficulté de nombreuses jeunes pousses tricolores à s’internationaliser rapidement et fortement, en rapport avec un secteur du capital-risque très loin de rivaliser avec celui de pays comme les Etats-Unis, la Chine ou même le Royaume-Uni.
Les structures d’accompagnement ont un rôle à jouer pour aider les startups à franchir le cap. On observe une réelle structuration, professionnalisation et consolidation du secteur, à travers notamment l’organisation au sein de réseaux à l’image de l’association La Boussole qui permet d’échanger de bonnes pratiques. Les regroupements devraient ainsi se multiplier entre opérateurs pour mutualiser les ressources et les compétences au service des startups. L’écrémage se fait également par le bas, certaines structures ayant mis un terme à leur activité tandis que d’autres se sont réorientées vers d’autres activités (formation, conseil, etc.) ou ont été absorbées par de nouvelles entités. Et la crise ne fera qu’amplifier le phénomène, faisant le tri entre les structures les plus opportunistes et celles dotées d’une véritable valeur ajoutée pour les startups.
Y a-t-il des pistes de développement à creuser pour ces professionnels ?
Les professionnels de l’accompagnement et du financement sont de plus en plus nombreux à se convertir à la gestion de programmes d’incubation ou d’accélération pour le compte de tiers. Il s’agit le plus souvent d’opérer en marque blanche pour des clients privés ou publics, désireux de lancer leur propre dispositif mais ne disposant pas de l’expertise en interne. Deux formules sont alors possibles : un programme conçu sur mesure pour un client ou un programme centré autour d’une thématique (BTP, retail...) réunissant plusieurs acteurs d’une même filière. Revers de la médaille de ce nouveau métier, qui permet de diversifier ses sources de revenus : une grande dépendance aux financeurs des programmes.