Une tribune de Marc Wolff, Président de Stratow.
La réforme actuelle dite de la « facture électronique B2B domestique France entre assujettis TVA » est la réforme fiscale la plus ambitieuse de ces 30 dernières années, plus ambitieuse même que la mise en place du FEC (fichier d’échange comptable). Sa motivation première présentée par la DGFIP, l’AIFE et l’Etat est de mieux contrôler la captation de la TVA et de prévenir son évasion. A l’heure où la lutte contre les évasions fiscales redouble, tout le monde comprendra bien l’intérêt de disposer d’une meilleure traçabilité sur les transactions domestiques B2B et leur volume estimé supérieur à 2 milliards de factures par an.
Cette louable ambition ne saurait occulter les autres motivations dont pèle mêle : l’accélération des échanges, la réduction des temps de paiement, une transmission automatisée, sûre et quasi sans délai des factures de l’émetteur au receveur, la fin de la transmission directe des factures de l’entreprise A à l’entreprise B, la fin du papier et de l’envoi par email, l’exigence nouvelle sur la conformité systémique des factures, le triomphe de la donnée structurée versus le document...
Un système de distribution plus sûr et automatisé
Le fameux système de diffusion des factures avec son annuaire central et ses méthodes de raccordement. Ses vérifications intermédiaires qui décideront de ne laisser passer que les factures conformes vers le client B2B payeur. Les entreprises peinent toujours à le comprendre et n’y voit souvent qu’un « machin » centralisateur alors que l’on peut y voir un formidable outil de simplification et de qualité des échanges. Le schéma en Y peut mener à une formidable fiabilité des échanges avec des factures qui trouvent sans délai et de manière fiable le bon destinataire. Des destinataires qui seront certains de l’émetteur d’origine et surtout de la conformité parfaite des factures reçues. Je vous rassure, elles seront encore truffées d’erreurs mais au moins les mentions légales seront bien toutes présentes. L’Etat pourra mieux savoir l’état réel des transactions économiques inter-entreprises. Le reporting va pleuvoir sur les data centers de la PPF avec le e-reporting B2B international, B2C France et les statuts sur les délais de validation et de paiement des factures fournisseurs B2B.
La qualité et la simplicité d’utilisation des données des factures vont aussi être métamorphosées. Les trois formats choisis sont tous XML et donc porteurs de données structurées que les applications informatiques pourront lire de manière parfaite même en ligne à ligne. Ces vingt dernières années, les applications de numérisation des factures et d’OCR ont amélioré le quotidien des comptables en limitant la saisie. Il restait, malgré tout, beaucoup de travail de contrôle (vidéocodage) et de correction. En comparaison, la facture XML est hyper digeste pour les systèmes comptables. Il reste à obtenir un « bon à payer » qui sera facilité par un rapprochement avec une réception de service fait ou de marchandise et un ou des bons de commande.
Du coup, le document facture n’est plus qu’une enveloppe pour transmettre un flux de données structurées directement utilisable.
L’Etat pourrait en profiter pour mieux comprendre les dérives réelles des retards ou délais de paiement. Cette connaissance statistique et sur la totalité du flux français pourrait même être utile pour systématiser le respect du délai légal. L’Etat ira-t-il jusqu’à automatiser les amendes pour non-respect du délai ?
Si on regarde du côté de la facture client, la réforme est ambitieuse et un peu lourde pour les entreprises. Il ne s’agit pas d’un simple changement de format et d’un système de distribution automatique. Il faut y ajouter une exigence nouvelle : le respect absolu de la conformité (respect des mentions légales et formalisme XML) et le renforcement d’une exigence ancienne : la PAF (piste d'audit fiable).
La conformité des factures clients est de la seule responsabilité de l’entreprise émettrice. Si elle veut que ses factures soient acheminées, alors elle doit avoir des factures conformes. Donc, elle doit maîtriser sa qualité de référentiel client dans son SI et faire en sorte que la composition éditique des XML soit exhaustive. Il devient impératif de pratiquer des tests sur les factures produites pour vérifier avant diffusion leur pleine conformité. Cela coûte peu à ce stade de corriger une facture client avant diffusion, c’est une autre histoire quand la facture est rejetée par la PPF ou un PDP et doit être corrigée rapidement pour pouvoir être soumise de nouveau. Les factures clients conformes et vérifiées devront donc être archivées avant diffusion pour pouvoir matérialiser la piste d’audit fiable dans la chronologie de la transaction.
Cela peut vous effrayer de prime abord car la tâche surtout sur le référentiel client est fastidieuse, mais il est tout à fait envisageable d’avoir recours à des bases de plus en plus riches publiques et privées pour mener à bien ce projet avant initialisation et surtout après en maintenant sa qualité dans le temps. Les projets d’excellence opérationnelle n’ont pas fini de fleurir grâce à cette réforme.
Tous gagnants ?
Alors, qui sont les gagnants de cette réforme ? Est-ce l’Etat seul qui nous imposerait une réforme trop complexe ou ambitieuse et dont il serait le seul bénéficiaire ? Les entreprises qui vont pouvoir enfin fiabiliser et écourter les process de facturation et de recouvrement ? Les marchands de technologie de dématérialisation qui vont à marche forcée vendre des accompagnements et des souscriptions ?
Nous avons tous intérêt à ce que la TVA rentre. Nous avons tous intérêt à réduire et accélérer les délais de paiement. Nous avons tous intérêt à réduire les activités administratives à faible valeur ajoutée (saisie, contrôle, numérisation...). Les économies générées seront partiellement dégradées dans le prix de la technologie numérique des éditeurs, OD et PDP. Tous auront joué le jeu et consacré des sommes importantes en investissement pour être prêts et servir les quatre millions d’entreprises françaises, le jeu de la concurrence aidera à conserver des coûts faibles et sous pression.
Nous serons tous gagnant, mais en attendant il reste du pain sur la planche chez les clients comme chez les prestataires et sans doute aussi à l’AIFE.