Comment les entreprises doivent gérer le passe sanitaire

Organisation, gestion et développement
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Mis en place depuis le 1er juin 2021 puis étendu progressivement durant l'été, le passe sanitaire est à l'heure actuelle présenté comme la principale solution pour endiguer l'épidémie de Covid-19. Mode d'emploi détaillé pour les employeurs par Ludovic Courcoux, Consultant RH, et Isabelle Poite, Responsable du pôle Social chez Walter France.

Quelles sont les difficultés rencontrées par les employeurs concernés par cette mesure ? Quelle est la limite du secret médical et quelle est la marge de manœuvre de l'employeur ? A quels risques les employeurs concernés sont-ils désormais exposés ?

Quels sont les lieux et secteurs ciblés par l'obligation de présentation du passe sanitaire ?

L'accès des personnes à certains lieux, établissements, services ou événements est conditionné par la présentation d'un passe sanitaire et sans condition d'effectifs (sauf pour les séminaires professionnels) pour :

  • les activités de loisirs, ne couvrant pas les activités politiques, syndicales ou liées aux cultes ;
  • les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons (à l'exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire) ;
  • les foires, séminaires ou salons professionnels de plus de cinquante personnes ;
  • sauf en cas d'urgence, les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux (pour les seules personnes accompagnantes ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements ainsi que celles qui y sont accueillies pour des soins programmés) ;
  • les déplacements de longue distance par transports publics inter-régionaux (sauf en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis) ;
  • certains grands magasins et certains centres commerciaux sur décision motivée du préfet. A noter que le gouvernement a dès le 8 septembre 2021 mis fin au passe sanitaire à l'entrée de nombreux centres commerciaux, dont ceux situés en Ile-de-France, estimant sa mise en place préjudiciable à la continuité économique des magasins.

Véritable outil du ministère du Travail depuis le début de la crise sanitaire, de nombreuses précisions sont apportées par un site de questions-réponses dédié et fréquemment complété : Passe sanitaire : toutes les réponses à vos questions | gouvernement.fr.

Point essentiel : seuls les lieux d'accueil du public sont concernés. Les bureaux ou les lieux de travail non ouverts au public ne sont donc pas concernés par cette obligation, tout comme les lieux accessibles au public en dehors des horaires d'ouverture au public.

Quels sont les salariés concernés par l'obligation du passe sanitaire ?

Sont concernés par l'obligation du passe sanitaire tous les salariés (majeurs et mineurs) qui interviennent dans les lieux précédemment cités et ce, sans condition d'effectifs.

Le personnel effectuant des livraisons ou des travaux d'urgence et le conseiller extérieur du salarié ne sont pas soumis à l'obligation du passe sanitaire. En revanche, les bénévoles, les prestataires extérieurs et les intérimaires sont concernés. C'est l'entreprise utilisatrice visée par l'obligation qui devra vérifier la détention du passe sanitaire.

Comment l'employeur peut-il contrôler le passe sanitaire du public ?

Les établissements concernés par le passe sanitaire doivent habiliter nommément les personnes et les services autorisés à contrôler les justificatifs. Un registre devra détailler les personnes et services habilités, la date de leur habilitation, ainsi que les jours et les horaires des contrôles effectués. La mise en place de ces formalités doit associer le CSE (comité économique et social).

Il est nécessaire de respecter les dispositions du RGPD et de la CNIL lors de la remontée d'informations, à savoir l'interdiction de transmettre des listes de noms de personnes.

En pratique, le contrôle doit se faire par l'utilisation de l'application « TousAntiCovid Verif ». L'employeur ne peut toutefois pas imposer aux personnes chargées du contrôle d'utiliser leur téléphone personnel pour le faire, sauf accord entre les deux parties.

Un document doit donc être établi pour formaliser à la fois l'accord du salarié sur l'utilisation de son téléphone portable, mais également pour tracer l'habilitation des collaborateurs concernés par la responsabilité du contrôle.

Attention : seuls les établissements concernés peuvent contrôler l'existence ou non d'une passe sanitaire. A défaut, une sanction existe pouvant aller jusqu'à une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Comment l'employeur peut-il contrôler le passe sanitaire de ses salariés ?

L'employeur concerné par l'obligation du contrôle du passe sanitaire de ses salariés peut utiliser les formes autorisées (application « TousAntiCovid Verif »). L'employeur ne peut pas conserver le QR code mais uniquement le résultat de l'opération de vérification (validité ou non du passe). En effet, les informations collectées sont des données personnelles soumises au RGPD.

Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, le CSE doit être consulté sans délai et être associé à la méthode de contrôle. L'avis du CSE peut intervenir après que l'employeur a mis en œuvre ces mesures, au plus tard un mois à compter de la communication des informations par l'employeur. Concernant les entreprises de moins de cinquante salariés, il reste toutefois recommandé d'échanger utilement avec les représentants du personnel sur ces sujets entourant la santé-sécurité des salariés mais aussi leur organisation du travail.

Il est à noter que l'administration précise qu'à l'exception des transports, les salariés détenteurs d'un passe sanitaire peuvent se dispenser du port du masque dans les lieux concernés par l'obligation depuis le 30 août 2021, sauf si le préfet ou l'employeur en dispose autrement. Il semble toutefois prématuré dans la plupart des cas de supprimer cette obligation des différents protocoles sanitaires d'entreprises ou d'associations, dans le cadre de l'obligation de santé et de sécurité de l'employeur.

Par ailleurs, dans les cas où l'employeur n'est pas le responsable d'établissement et ne contrôle pas lui-même le collaborateur :

  • Le salarié qui ne pourrait pas accéder aux locaux pour non présentation du passe doit en informer son employeur.
  • L'employeur devra être informé des modalités de restriction d'accès par le responsable de l'établissement d'intervention du salarié. Cette information devra permettre à l'employeur d'informer le salarié et d'organiser son activité.

En ce sens, les employeurs doivent d'autant plus communiquer sur les impacts des restrictions sanitaires dans leur organisation du travail, notamment en précisant les obligations d'information des collaborateurs pouvant être amenés à contrôler ou à être contrôlés pendant leur temps de travail.

N'oublions pas que des secteurs non soumis au passe sanitaire sont indirectement concernés. Se pose notamment la question de la gestion des grands déplacements des collaborateurs dans le cadre de leur mission, supposant restaurant, hôtel, train, avion qui nécessitent la détention d'un passe sanitaire.

La communication interne et externe sur les obligations et les modalités de contrôle de ce passe sanitaire, ainsi que la possibilité pour les collaborateurs de se faire vacciner sur le temps de travail, sera donc un indicateur essentiel pour que l'entreprise puisse prouver ses différentes actions en cas de litige.

Quelles sanctions à défaut de contrôle ?

Les commerçants et les professionnels ne contrôlant pas le passe s'exposent à une amende de 1 000 euros, à une mise en demeure et à une éventuelle fermeture temporaire de l'établissement, voire à une amende de 9 000 euros et un an d'emprisonnement dans le cas d'une violation verbalisée à trois reprises dans une période de trente jours.

Il est également impératif de parfaitement identifier l'application ou non de l'obligation de contrôle du passe sanitaire à l'activité de l'entreprise. Il est tout à fait interdit pour un employeur non concerné par cette obligation d'imposer le passe sanitaire à ses collaborateurs alors que l'activité de son entreprise ne le justifie pas.

Quelles sont les conséquences pour les salariés refusant de se soumettre au passe sanitaire ?

Le salarié qui refuse de se faire vacciner devra réaliser un test PCR ou antigénique toutes les 72 heures.

Les autotests effectués sous la supervision d'un professionnel de santé sont également admis et sont valides 72 heures. Les tests PCR et antigéniques n'étant plus remboursés, si l'employeur envisage une prise en charge de ces tests, celle-ci sera-t-elle traitée comme un avantage en nature soumis à charges sociales, étant donné la possibilité pour le salarié de profiter des résultats de ce test dans le cadre personnel ? Une précision de l'administration est attendue.

Le salarié qui refuse d'avoir et de présenter un passe sanitaire peut se mettre d'accord avec l'employeur pour poser des jours de congés ou de repos en attendant la fin de la crise sanitaire. Si le salarié refuse toutes ces alternatives, il est prévu que l'employeur lui notifie la suspension de son contrat sans rémunération.

Au bout de trois jours, l'employeur convoque ainsi le salarié à un entretien afin d'examiner avec lui les moyens de régulariser la situation en envisageant les possibilités d'une nouvelle affectation temporaire sur un autre poste sans contact avec le public. Si aucune autre affectation n'est possible, le contrat de travail reste suspendu.

Pour rappel, la procédure de licenciement pour le motif d'absence prolongée de passe sanitaire a été supprimée de la loi. L'éventuelle solution d'une sortie du salarié par la procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse liée à une absence prolongée désorganisant le bon fonctionnement de l'entreprise paraît hasardeuse. En effet, la justification d'une réelle désorganisation de l'entreprise sera très probablement contestée par les juges au vu du caractère à ce jour temporaire de l'obligation du passe sanitaire.

Point sur la vaccination obligatoire

Depuis le 15 septembre 2021, les salariés travaillant dans le domaine de la santé, quelles que soient leurs fonctions, doivent être vaccinés contre le Covid-19. Depuis le 15 octobre, le personnel concerné qui ne produit pas les justificatifs nécessaires ne peut plus continuer à exercer son activité et risque la même sanction que les salariés soumis à l'obligation de présentation du passe sanitaire : suspension du contrat de travail et arrêt de la rémunération.

Les employeurs et les RH sont amenés à gérer ces situations complexes et inédites, également dans les secteurs non soumis au passe sanitaire.

Il est indéniable que cette charge de travail supplémentaire pour les directions des ressources humaines est complexe et lourde dans sa mise en œuvre. L'impact de la gestion de cette obligation sur le climat social, pouvant devenir un sujet de tensions ou d'opposition supplémentaire au sein de l'organisation de travail, est également à prendre en compte.

Des questions encore sans réponses en lien avec ces nouvelles obligations subsistent : les impacts de ces mesures entraînent-ils une mise à jour du document unique d'évaluation des risques ? Jusqu'où s'étend l'obligation de reclassement en cas d'absence de passe sanitaire ou de vaccination des collaborateurs concernés ? Les services de l'administration feront-ils preuve d'indulgence sur les potentiels écarts liés au secret médical et au RGPD, toujours délicats à appréhender dans un contexte sanitaire particulier ? L'avenir nous en dira plus.