Une tribune de Jean-François Defudes, Avocat Fidal, en collaboration avec Yooz.
La facturation représente un enjeu majeur pour les entreprises, en termes de maîtrise des processus d’achats et de ventes, de modalités de facturation et surtout en termes d’obligations fiscales… Par conséquent, dès lors qu’il s’agit de dématérialiser ce processus de facturation, il convient de maîtriser le contexte règlementaire pour faire les bons choix.
La directive européenne 2010/45/UE transposée en droit interne français au 1er janvier 2014, a profondément modifié les modalités de facturation et a permis une plus grande souplesse dans la mise en œuvre de la dématérialisation.
Mais près de dix ans après cette politique d’incitation à la transition numérique, qu’en est-il ?
En quoi ces dispositions règlementaires ont-elles accéléré le passage à la dématérialisation de factures ?
L’objectif principal de ces évolutions règlementaires est de faciliter la mise en place de la facturation électronique au sein des entreprises, quelle que soit leur taille. Autrement dit, le passage à la dématérialisation des factures, qui constitue un levier important dans la réduction des coûts liés aux millions de factures reçues et émises chaque année, ne doit pas être seulement réservé aux grandes entreprises.
Cela s’est traduit par une simplification des obligations légales, à la fois sur le format de facture ou sur sa conservation.
Concernant les formats de facture, il est désormais autorisé aux professionnels d’utiliser le format qu’ils souhaitent, papier ou électronique, ce dernier n’étant plus un élément déterminant. En effet, une facture est définie aujourd’hui par son contenu et non par son contenant. Tout support incluant l’ensemble des éléments qui composent une facture (coordonnées de l’émetteur, du preneur, date et numéro de la facture, quantité et dénomination des biens livrés ou services rendus…) doit être considéré comme une facture.
Plusieurs critères doivent cependant être respectés : garantir l’authenticité de l’origine de la facture, l’intégrité de son contenu ainsi que la lisibilité du document.
Afin de répondre à ces exigences, les entreprises disposent de trois moyens :
- l’EDI fiscal : échange de données informatisées (EDI) répondant aux normes prévues par le code général des impôts ;
- la signature électronique : signature électronique avancée, fondée sur un certificat qualifié et assurée par un dispositif sécurisé de création de signature ;
- une piste d’audit fiable documentée et permanente : mise en place d’un processus continu et intégré, avec la description du cheminement des opérations (flux d’informations, flux financiers), de leur documentation (documents comptables et pièces justificatives) et de leur contrôle.
Les deux premiers ne concernent que les factures électroniques et sont généralement lourds à mettre en œuvre.
A contrario, la piste d’audit fiable concerne toutes les factures émises ou reçues par les entreprises qui ne sont ni en EDI fiscal, ni en signature électronique, et ce, quel que soit le support, papier ou dématérialisé.
Piste d’audit fiable : quelle feuille de route mettre en œuvre ?
Pour être considérée comme valide et ainsi apporter une valeur probante aux factures, la piste d’audit fiable (PAF) doit décrire de manière suffisamment détaillée les modalités de gestion des flux de factures émises ou reçues. Cette description doit être documentée et transmise à l’administration fiscale en cas de contrôle.
La plus grande difficulté réside dans le fait que l’administration fiscale laisse à chaque assujetti la responsabilité de l’étendue et de la nature des contrôles à mettre en place. En d’autres termes, aucune information précise n’est donnée par l’administration, qui sera en droit de remettre en cause a posteriori la PAF lors d’un contrôle si elle est jugée insuffisante.
Le principal objectif de la PAF est de démontrer la réalité de l’opération économique sous-jacente à la facture émise ou reçue, en reconstituant la chronologie de l’ensemble du processus depuis l’origine de la facture jusqu’à sa conservation.
Afin de répondre à ces exigences de façon concrète, la feuille de route suivante peut être envisagée :
- cartographier les flux de facturation à l’émission et à la réception ;
- qualifier la règlementation applicable à chaque flux (EDI, signature électronique, PAF) ;
- recenser les contrôles visant à sécuriser la facturation ;
- évaluer le niveau des contrôles au regard des attentes de l’administration fiscale ;
- rédiger une documentation spécifique.
Quels gains pour les entreprises ?
Si la mise en place d’une piste d’audit fiable est obligatoire pour les entreprises, elle est aussi source de nombreux bénéfices :
- se sécuriser sur le plan fiscal : en effet, l’absence d’une PAF permettrait alors à l’administration de remettre en cause de la TVA déductible et d’appliquer une pénalité sur de la TVA facturée ;
- démocratiser l’usage des factures dématérialisées et disposer ainsi d’un levier important pour réduire les coûts liés à la gestion des factures émises ou reçues. Au-delà des aspects fiscaux, la mise en place d’une PAF constitue une opportunité de remettre à plat les processus de contrôle internes et ainsi d’en assurer la bonne maîtrise.
Jean-François Defudes, Avocat Fidal, en collaboration avec Yooz